GASTINEL Anne

(1971- ) Violoncelliste

Anne Gastinel enchante les amoureux du violoncelle par sa sonorité chaleureuse. Sous ses doigts, la musique coule de source, et elle est aussi à l’aise en concerto qu’en musique de chambre. Mais elle ne saurait se contenter d’une vie de concertiste. L’enseignement est essentiel pour cette femme généreuse, qui sait rester simple et accessible au milieu du tourbillon d’une carrière internationale.

Anne Gastinel en 8 dates :

  • 1971 : Naissance à Tassin-la-Demi-lune (Rhône-Alpes)
  • 1975 : Commence le violoncelle
  • 1982 : Entre au CNSM de Lyon
  • 1990 : 3ème Prix au Concours Rostropovitch
    Eurovision des jeunes musiciens à Vienne
  • 1993 : Parution de son 1er disque (Naïve)
  • 1994 : Victoire de la musique classique
  • 2003 : Devient professeure au CNSM de Lyon
  • 2008 : Chevalier de l’Ordre national du mérite.

Dans la famille Gastinel, à Lyon, tout le monde est musicien

Anne Gastinel naît dans une famille de musiciens. Ses parents sont tous les deux pianistes, et les 5 enfants jouent tous d’un instrument. Anne est fascinée par le violoncelle, l’instrument de sa sœur aînée. On la met au piano à 3 ans, mais elle réclame tellement le violoncelle que l’année suivante on l’autorise à débuter ce gros instrument à cordes. Si le son l’a séduit d’emblée, c’est aussi le rapport corporel à l’instrument qui l’a attiré, très différent de celui qu’on peut avoir avec un piano ou même un violon. Celle qui a tout de même continuer à jouer du piano pendant 10 ans, reconnaît n’avoir jamais eu avec le clavier ce “plaisir du corps” que donne le violoncelle.

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Remarquablement douée, elle entre au CNSM de Lyon à seulement 11 ans, dans la classe de Jean Deplace. Après y avoir obtenu un 1er Prix en 1986, elle est aussitôt reçue en 3ème cycle au CNSM de Paris. Elle y suit l’enseignement de Philippe Muller, grand pédagogue qui a marqué toute une génération.

 

Lauréate du Concours Rostropovitch, elle représente la France au concert de l’Eurovision

Vient ensuite le temps des concours internationaux. En 1989, elle remporte le 1er Prix du Concours de Scheveningen (Pays-Bas). Puis le 3è Prix au Concours de Prague. L’année suivante, elle décroche aussi un 3ème Prix au très prestigieux Concours Rostropovitch, ex-aequo avec Xavier Phillips. L’année 1990 est décidément un bon cru pour Anne Gastinel, puisqu’elle est sélectionnée pour représenter la France au Tournoi eurovision des jeunes musiciens à Vienne. Le public européen la découvre à la télévision : c’est le début d’une carrière internationale. Mais cette prestation n’aura pas que des conséquences professionnelles. Car c’est aussi comme ça que Maxime, un ami d’enfance qui a suivi l’épreuve sur le petit écran, a l’idée de la recontacter. Le début d’une belle histoire d’amour, qui donnera naissance à deux enfants.

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Trois Victoires de la musique et plus d’une quinzaine d’albums

Le succès continue, et sera pérenne. Victoire de la musique classique “Nouveau talent” en 1994, Anne Gastinel se verra décerner la Victoire du “meilleur enregistrement” en 2005 pour des sonates de Beethoven avec François-Frédéric Guy, et sera à nouveau récompensée l’année suivante dans la catégorie “Soliste de l’année”. Côté disque, elle enregistre régulièrement de nouveaux albums, presque exclusivement chez le même label : Naïve. Leur collaboration démarre dès son premier disque, paru en 1993 et consacré aux sonates de Rachmaninov et de Richard Strauss, avec le pianiste Pierre-Laurent Aimard. Si ses talents de chambristes sont immédiatement salués, Anne Gastinel ne s’enferme pas dans ce répertoire. Au contraire, son deuxième album se fera avec orchestre, et autour de l’une des œuvres les emblématiques du répertoire pour violoncelle : le concerto de Dvorak (Orchestre National de Lyon, dirigé par Emmanuel Krivine). Suivront ensuite une quinzaine d’albums. “C’est intéressant pendant l’enregistrement de tester des choses, quitte à ne pas tout garder ensuite. Même sur une œuvre qu’on connaît très bien, on découvre toujours de nouveaux petits détails. C’est toujours en mouvement”, confie-t-elle dans une vidéo tournée en 2011 lors de l’enregistrement des sonates de Franck, Debussy et Poulenc avec la pianiste Claire Désert.

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Sa rencontre avec un violoncelle italien est un véritable coup de foudre

En 1997, Marta Casals-Istomin lui prête l’instrument de son défunt mari, Pablo Casals, pendant un an. Un superbe Matteo Goffriller de 1733 – l’un des meilleurs luthiers pour les violoncellistes. Puis, elle a repris son ancien instrument jusqu’à sa rencontre en 2001 avec un Testore de 1690. “Un vrai coup de foudre réciproque. Au fil des années, on a appris à se découvrir. Aujourd’hui je le connais par cœur”, raconte-telle à Christian Wasselin dans une interview en 2014. Anne Gastinel aime tellement cet instrument, prêté par le Fonds instrumental français, qu’elle finit par l’acheter. Elle le nomme affectueusement « mon bel italien” et chérit son timbre particulièrement chaud et rond, caractéristique des instruments italiens à la charnière du XVIIIème siècle. “Les instrumentistes à cordes ont cette chance d’être tout le temps avec leur compagnon. C’est un rapport vraiment particulier. Alors que les pianistes changent de “partenaire” à chaque concert, ça ne me plairait pas”, plaisante-t-elle. Mais cet amour pour le Testore n’est pas tout à fait exclusif. Elle avoue détenir un autre violoncelle, qu’elle “a fait trafiquer pour lui rajouter une cinquième corde”. Au départ, c’était pour jouer la 6ème Suite de Bach, écrite initialement pour violoncelle piccolo (à 5 cordes). Mais elle souhaite aussi passer des commandes à des compositeurs pour cet instrument original.

 

Fille de compositeur, Anne Gastinel défend le répertoire contemporain et la création

Anne Gastinel aime rappeler l’étendue du répertoire pour violoncelle au XXème siècle, et le rôle qu’a alors joué Rostropovitch dans l’engouement des compositeurs pour l’instrument. Elle-même défend volontiers des compositeurs contemporains, comme son ami Eric Tanguy dont elle a créé en 2007 le concerto In Terra Pace, ou Nicolas Bacri qui lui a confié la première exécution de ses Métamorphoses sur le nom de Benjamin Britten en 2014. Rien d’étonnant, quand on a un père lui-même compositeur. Néanmoins, lorsque Christian Wasselin lui demande si elle écoute Steve Reich, Anne Gastinel sourit : “pas tous les jours”. Avant d’enchaîner : “je crois qu’il faut être dans une disposition d’esprit particulière pour écouter [de la musique contemporaine]”.

Sarabande de la 3ème Suite de Bach (2004)

 

En parallèle des concerts, la violoncelliste transmet aussi son art à travers l’enseignement

Aussi à l’aise en soliste qu’en musique de chambre, Anne Gastinel est aussi professeure. Selon elle, l’enseignement revigore le musicien, et apporte de la fraîcheur sur des œuvres pratiquées depuis longtemps. Elle enseigne au CNSM de Lyon depuis 2003, une maison qu’elle connaît bien puisqu’elle y a été élève. “C’est intéressant d’expliquer des choses qu’on maîtrise depuis des années, mais qui ne sont pas forcément évidentes pour tout le monde.” On a une grande tradition du violoncelle français. Notamment une technique d’archet assez claire.” Pierre Fournier fait partie de ces maîtres du passé. Elle s’est imprégnée de ses interprétations quand elle était enfant, notamment dans Bach. Plus tard, elle a rencontré Rostropovitch, travaillé avec Tortelier, Yo-Yo Ma et Janos Starker. Des enseignements “dans des directions différentes et pourtant chacun d’une vérité indiscutable”, qui ont forgé la musicienne. Parmi le répertoire qu’elle transmet aujourd’hui à ses élèves, les Suites de Bach tiennent une place particulière. Elle les a enregistrées en 2008, et confiait alors dans la vidéo tournée pour la sortie du disque : “Cette musique est très humaine car très complète. Il y a le côté qui nous vient du ciel, très inspirant, mais aussi un côté très terrien, avec de la matière. Je pense que c’est pour ça que cette musique touche autant. […] Ces pièces sont une magnifique école de rigueur au niveau de la justesse, et de la conduite de la phrase. Elles font appel à tout ce dont un interprète a fondamentalement besoin pour exprimer quelque chose d’une manière claire et belle”.

 

Sixtine de Gournay

 

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