Montserrat Caballé est pour beaucoup dans la renaissance du bel canto italien dans la seconde moitié du XXème siècle. Cette soprano catalane, formée à Barcelone, fut surnommée « La Superba ». Montserrat Caballé fut longtemps la reine du bel canto et l’idole des aficionados !
Montserrat Caballé en 10 dates :
- 1933 : Naissance à Barcelone
- 1940 : Conservatoire du Liceu de Barcelone
- 1956 : Début à Bâle dans La Bohème
- 1959 : Engagement à Brême pour trois ans
- 1965 : Début à New York dans Lucrezia Borgia
- 1970 : Norma à Barcelone
- 1972 : Venise, Paris, Londres, Orange
- 1992 : Ouverture des Jeux de Barcelone
- 2015 : Dernière apparition publique à Paris pour une master class
- 2018 : Mort à Barcelone
De famille modeste, elle poursuit des études musicales à Barcelone, avant de se faire remarquer à Bâle et à Brême.
Elle étudie d’abord le piano au conservatoire puis prend des cours de chant avec le soutien d’une famille de mécènes catalans. A dix-sept ans elle choisit définitivement le chant. Elle obtient la médaille d’or à la fin de ses études au Liceu de Barcelone en 1954, et peut commencer une carrière professionnelle. C’est dans le rôle de Mimi de La Bohème de Puccinni que Montserrat débute au théâtre de Bâle, qui l’engage dans la troupe pour trois ans et lui confie beaucoup de rôles. Cela va lui permettre de s’aguerrir et de découvrir notamment Salomé de Richard Strauss, qui lui vaut d’être invitée en 1958 au Staatsoper de Vienne. Elle accepte ensuite la proposition de Brême, à nouveau pour une durée de trois ans, où elle chantera Violetta et Leonora, premiers rôles verdiens pour elle. A l’issue de son contrat, elle décide de quitter la troupe et de mener une carrière en solo. Plusieurs opéras en France (Toulouse, Rouen, Marseille) l’accueillent, mais surtout sa ville natale de Barcelone lui confie les grands rôles qu’elle mérite, la Comtesse des Noces de Figaro ou Cio Cio San de Madame Butterfly.
Le monde entier la consacre « diva » après ses succès à New York et Barcelone
Carnegie Hall lui offre en 1965 le véritable départ de sa carrière internationale. Pourtant son triomphe dans Lucrezia Borgia de Donizetti est un concours de circonstances, la défection de Marilyn Horne lui donnant cette opportunité de la remplacer dans une œuvre qu’elle n’a encore jamais chantée. La presse américaine l’encense et lui donne le surnom de « Superba ». Les engagements pleuvent, au Met de New York comme en Europe ! L’enregistrement live du Pirate de Bellini au Mai de Florence en 1967 témoigne de la puissance comme de la douceur de sa voix, et de l’effet produit sur le public dès le début du premier acte !
C’est à Barcelone en 1970 que Montserrat débute dans Norma, le chef d’œuvre de Bellini qu’elle chantera ensuite de nombreuses fois, notamment à Orange en 1974 en plein mistral, remportant un succès historique. Maria Callas ayant déjà arrêté sa carrière, et lui donnant d’utiles conseils pour le choix de ses rôles, sa principale rivale est Joan Sutherland. Mais il n’y a pas de conflit entre ces deux artistes d’exception. Chacune brille de son côté, dans un répertoire souvent identique, mais avec son propre style et ses propres qualités. Montserrat n’est peut-être pas une grande comédienne mais sa voix est d’une pureté et d’une puissance d’émotion incomparables, et ses fameux pianissimi dans l’aigu n’ont pas d’équivalent.
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L’année 1972 est pour elle exceptionnelle. La Superba connaît alors le sommet de sa carrière en interprétant la même année Elizabeth dans Roberto Devereux de Donizetti à Venise, Norma à Paris, La Traviata à Londres et Leonora du Trouvère à Orange. Dans le dernier acte de celui-ci, l’air « D’amor sul’alli rosee » lui vaut une ovation impressionnante des Chorégies. Jusqu’en 1980, année de ses retrouvailles dans Semiramis à Aix-en-Provence avec Marilyn Horne, qui est devenue son amie, Montserrat enchaîne les rôles très lourds comme Turandot, non sans conséquences.
Les années 1980 sont moins glorieuses, mais 1992 sera une apothéose.
Des problèmes de santé affectent sa carrière et l’obligent de plus en plus à annuler des prestations, comme à Milan qui n’a pas de chance avec elle. Sa voix commence à montrer des signes de fatigue, ce qui n’est pas surprenant après trente ans de rôles exigeants sur scène, sans compter les récitals et les enregistrements. Elle reste néanmoins adulée par son public, qui la suit dans des œuvres moins connues du répertoire (Spontini, Salieri, Pacini, Cherubini), et encore dans Rossini (Le Voyage à Reims) à Vienne avec Claudio Abbado en 1988, et même Isolde en 1989. Les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 lui donnent l’occasion de se faire connaître au-delà du public habituel des scènes lyriques, en chantant avec Freddie Mercury l’hymne Barcelona pour la cérémonie d’ouverture, enregistré plusieurs années avant le décès du chanteur.
Ses dernières années ne lui permettent que de rares apparitions.
Après avoir encore chanté quelques raretés de Donizetti ou Saint-Saëns, Montserrat se replie sur des activités généreuses, et fonde un concours de chant. Ses master-class sont recherchées et bien que très handicapée, elle garde son humour et sa bienveillance. A la Philharmonie de Paris en 2015, elle donne une dernière master-class et fredonne non sans émotion un air de La Traviata. Elle s’éteint trois ans plus tard dans sa ville de Barcelone.
La voix de Montserrat reste l’une des plus belles de l’histoire de l’art lyrique. « La plus belle voix du XXème siècle » pour Natalie Dessay, qui pourrait aussi prétendre à ce titre.
Philippe Hussenot