Depuis Luciano Pavarotti, Roberto Alagna est le ténor le plus populaire. Mais c’est aussi un artiste raffiné au timbre clair qui prend des risques, annule rarement et jouit d’une exceptionnelle longévité.
Roberto Alagna en 8 dates :
- 1963 : naissance à Clichy-sous-Bois
- 1988 : gagne le Concours Pavarotti
- 1995 : prix Laurence-Olivier pour Roméo et Juliette
- 1996 : Don Carlos (en français) au Châtelet
- 2005 : album Mariano vendu à 400 000 exemplaires
- 2006 : scandale Aïda à la Scala de Milan
- 2007 : Le Trouvère en direct d’Orange sur France 2
- 2015 : épouse Aleksandra Kurzak
« J’entends dire que je me gâche avec la variété, mais c’est par là que j’ai débuté. »
Ténor français d’origine sicilienne, Roberto Alagna naît le 7 juin 1963 à Clichy-sous-Bois. Il grandit en entendant son père chanter les chansons napolitaines. Il chante lui-même des standards de Sinatra et Presley dans les bars. Un jour, un restaurateur italien lui fait prendre conscience de sa voix et le présente à un ancien élève de Pertile, « le ténor de Toscanini ». Passionné par la voix de Mario Lanza, il apprend de nombreux rôles en autodidacte. La rencontre avec Gabriel Dussurget, le fondateur du Festival d’Aix-en-Provence est déterminante. Il lui fait travailler sa technique de manière à retrouver un âge d’or de l’opéra français évanoui depuis la mort de Georges Thill. Pour gagner sa vie, Alagna chante dans les cabarets parisiens et sort un 45 tours chez Barclay : Embrasse-moi. En 1988, il remporte le Concours Pavarotti à Philadelphie et il est engagé dans la foulée au Festival de Glyndbourne pour chanter Alfredo de La Traviata.
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Sa diction exceptionnelle, son chant élégant et moderne (il ne roule pas les « r ») font merveille dans le répertoire français.
La carrière d’Alagna est lancée. Elle se poursuit sur tous les continents. À la Scala, il chante le Duc de Mantoue (Rigoletto) avec Riccardo Muti, puis Lucia di Lammermoor à la Bastille avec June Anderson. Son physique attrayant et sa voix claire font merveille dans les rôles de jeunes premiers amoureux. Petit à petit, il évolue vers des rôles plus dramatiques et plus lourds. Il rencontre la soprano roumaine Angela Gheorghiu à Londres. Ils chantent dans Roméo et Juliette et tombent amoureux. Ils se marient en 1996. Leurs cachets atteignent des niveaux astronomiques et provoquent des polémiques. L’Opéra de Paris déclare ne pas vouloir participer à cette inflation permanente.
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Le couple Alagna-Gheorghiu devient le couple le plus glamour de l’Opéra. Des intégrales plébiscitées par la critique (La Bohème, Carmen…) paraissent chez EMI.
En 2001, Benoît Jacquot propose à Alagna et Gheorghiu de tourner Tosca avec eux. Le film rencontre un large public. En plus des grands rôles du répertoire, Roberto Alagna prend des risques avec des rôles plus rares : Cyrano d’Alfano, Fiesque de Lalo, Francesca da Rimini de Zandonai. Il crée Marius et Fanny d’après la Trilogie de Pagnol de Vladimir Cosma avec Angela Gheorghiu et Jean-Philippe Lafont à l’Opéra de Marseille. Mais aussi Le dernier jour d’un condamné de son frère David Alagna d’après Victor Hugo.
En 2006, lors de la première d’Aïda à la Scala de Milan, il sort de scène après son premier air suite à quelques huées. Stéphane Lissner fait entrer sa doublure. Scandale dans les journaux. Chacun se renvoyant la responsabilité de la rupture.
Air « Vesti la giubba » de Pagliacci de Leoncavallo (mise en scène et décors de David & Frédérico Alagna, au Théâtre Philharmonique de Vérone, 2002)
Invité chaque année aux Chorégies d’Orange, Roberto Alagna est programmé en première partie de soirée dans Le Trouvère sur France 2. Beau succès d’audience.
En 2008, son disque Sicilien se vend à 300 000 exemplaires. Roberto Alagna chante avec micro à l’Olympia et fait une tournée dans toute la France. Il confirme son statut de grande vedette populaire. Rares sont les chanteurs d’opéras qui ont réussi à toucher le cœur du grand public et à réussir une double carrière avec un tel degré d’exigence.
Mais le torchon brûle avec Angela Gheorghiu. De rupture en raccommodement, le couple divorce finalement en 2013. En 2015, il épouse la soprano polonaise Aleksandra Kurzak qui lui donne une petite fille. Alagna avait déjà une fille avec sa première épouse Florence morte en 1993 d’un cancer au cerveau.
En trente ans de carrière, Alagna a chanté une soixantaine de rôles et ce n’est pas fini. Pas mal pour un chanteur qui a encore de beaux jours devant lui alors que de nombreux « spécialistes » assuraient chaque année qu’il était « fini ».
Olivier Bellamy