Le « peuple dans la rue », c’est la une de La Croix, « Le tournant », c’est celle de Libération. Les journaux racontent comment 200 000 personnes se sont rassemblées hier pour protester contre le dernier « dictateur d’Europe », une semaine après la réélection qualifiée de frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans.
Le Figaro assure que malgré la mobilisation « Loukachenko reste inflexible »
Le résultat a provoqué la colère des Biélorusses la semaine dernière et les manifestations ont été violemment réprimées. Libération publie la photo d’un homme de dos, en sous-vêtements, protestant dans les rues de Minsk lundi. Partout sur son corps s’étalent les marques rouges des coups donnés par les policiers. « Ils remplissaient les prisons et les commissariats, tabassaient les gens puis les relâchaient pour faire de la place à de nouvelles victimes » témoigne l’une de ces victimes. Une répression qui n’a pas découragé la contestation, au contraire. Mais, si « la mobilisation change d’échelle, Loukachenko reste inflexible » nous dit le Figaro.
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« Les élections sont justes » a déclaré le président d’un ton véhément hier lors d’un rassemblement dans la capitale qui n’a attiré que 10 000 personnes. Et les journaux mettent en lumière les retournements de loyauté qui se multiplient. Toujours dans le Figaro : « Habituellement ultraloyal, le métropolite Pavel – responsable de l’Église orthodoxe biélorusse a regretté d’avoir un peu vite félicité Loukachenko pour sa victoire et le prie de mettre fin à la violence. Il y a aussi des défections, encore rares, mais constituant une tendance grandissante. Un ancien ministre de la Culture, qui fut aussi ambassadeur en France, a rejoint un cortège de manifestants. L’ambassadeur en poste en Slovaquie a aussi tourné casaque. Des dizaines de journalistes célèbres ont démissionné des différentes chaînes de télévision (entièrement contrôlée par l’État), qui menacent toutes de faire grève ce lundi ».
Loukachenko est un « pur dirigeant autoritaire » selon Pavel Latouchko, son ex-ministre de la Culture
Cet ex-ministre de la Culture est interrogé par Le Monde et il explique pourquoi il a fait défection. Pavel Latouchko, l’un des plus hauts responsables du régime Loukachenko à avoir publiquement rejoint le camp de la contestation, raconte « Vendredi matin, en regardant encore et encore les vidéos de violences, j’ai eu honte d’être Biélorusse. Que des Biélorusses puissent être si cruels et violents avec leurs concitoyens. ».
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Il estime que la fraude électorale atteint une ampleur sans précédent « même selon les standards biélorusses ». Et il décrit Loukachenko comme un « pur dirigeant autoritaire », à qui seulement une partie de l’information parvient. Pavel Latouchko ne croit pas à sa fuite et au renversement du régime, il appelle au dialogue et à la démission des responsables de la répression au ministère de l’Intérieur. Si cela échoue, il préconise la poursuite des grèves. Il dit sa conviction que la majorité de l’élite ne soutient plus le pouvoir : « Ils comprennent que, quelle que soit l’issue, le pays va s’enfoncer. Même si Loukachenko parvient à se maintenir, le pays va simplement se vider de sa jeunesse. La mauvaise situation économique et l’absence complète de liberté politique sont intenables ».
Augustin Lefebvre