Explosion à Beyrouth : le parcours chaotique du Rhosus, le bateau qui a transporté le nitrate d’ammonium

Libération, La Croix, et Le Figaro font leur Une sur les manifestations et l’organisation de l’aide internationale au Liban, 6 jours après la double explosion dans le port de Beyrouth. Libération fait sa Une sur la « Fureur sans retour » des Libanais et La Croix se demande « A Beyrouth, la colère, mais après ? ».

Le Figaro dresse la liste des ONG envoyées au Liban « dignes de confiance »

La Croix raconte les manifestations tendues contre la classe dirigeante, accusée d’être responsable du drame : « Alors que les premières manifestations du soulèvement populaire en octobre 2019 témoignaient d’une ambiance plutôt bonne enfant, celles-ci actent une nouvelle escalade ».

 

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Et La Croix décrit les potences factices et les effigies en carton qui représentent les chefs de factions la corde au cou. Les journaux reviennent également sur la conférence des donateurs internationaux présidée par la France hier :  « La pression s’accentue sur le Liban » écrit le Figaro, qui liste les ONG dignes de confiance sur place, car il faut éviter que les millions débloqués soient détournés. D’autres millions pourront suivre si le gouvernement consent à des réformes.

 

Parcours trouble pour le Rhosus, qui a acheminé le nitrate d’ammonium à Beyrouth

Le Figaro qui nous en apprend plus sur les origines du drame et relate l’histoire rocambolesque du Rhosus. Le Rhosus, c’est le vraquier, le navire de charge qui a acheminé les presque 3000 tonnes de nitrate d’ammonium jusqu’au port de Beyrouth. Construit en 1986 au Japon, il suit ensuite un parcours compliqué. Attention, il faut suivre : « Il est enregistré depuis 2008 au nom de Brianwoodcorp, une société basée au Panama, et navigue depuis 2012 sous pavillon moldave ». Le quotidien précise que la Moldavie a pour habitude de délivrer par complaisance des pavillons à des quasi-épaves. L’affréteur est une compagnie basée à Chypre, propriété d’un Russe possédant la nationalité Chypriote. Igor Grechushkin a été entendu vendredi par la justice de Chypre. En 2013, il doit transporter du nitrate d’ammonium de Georgie jusqu’au Mozambique.

 

Le nitrate d’ammonium devait servir d’explosif pour les mines du Zimbabwe

Mais ce « rafiot en bout de course » est dérouté vers Beyrouth. Un journal spécialisé évoque une voie d’eau, le capitaine de l’époque affirme, lui, qu’il a eu l’ordre d’aller au Liban pour charger un peu plus le bateau, « les armateurs sont devenus avides ». Seulement, ce matériel lourd, notamment des engins de chantier à destination de la Jordanie, ne sera jamais monté à bord : « C’était impossible. Ça aurait pu détruire le navire». Après inspection, le bateau est retenu à quai, et les marins doivent se débrouiller. La société d’Igor Grechushkin est placée en faillite, ses employés sont abandonnés. Et pendant ce temps, la cargaison reste à bord. Une véritable bombe flottante, car il s’agit de nitrate d’ammonium hautement concentré, destiné non pas à servir de fertilisant mais d’explosif pour les mines du Zimbabwe. Elle est finalement déchargée, avant d’être délaissée, tout comme le Rhosus. « Selon le New York Times, relégué dans un coin du port, il finira par sombrer en février 2018. À terre, le nitrate sombre aussi dans une coupable indifférence. » écrit le Figaro. Jusqu’à ce 4 août 2020 : 158 morts, 6.000 blessés, des dizaines de disparus et des centaines de milliers de sans-abri.

 

Augustin Lefebvre 

 

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