Où sont les compositrices ?

Bach, Mozart, Beethoven, Chopin… La liste des grands compositeurs s’écrit traditionnellement au masculin, comme si les femmes étaient exclues de cette pratique artistique. Pourtant, les compositrices existent depuis des siècles : soit la société de leur époque ne leur a pas permis de travailler, soit leur œuvre a été déconsidérée. Voici quelques pistes pour les réhabiliter.

L’épisode :

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Les femmes qui composent de la musique sont aussi anciennes que la musique

La première femme compositrice serait Sappho : la poétesse grecque, qui a vécu au VIème siècle avant notre ère, accompagnait ses textes à la lyre. Malheureusement, aucune de ses partitions ne nous est parvenue.

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La première femme compositrice que l’on peut entendre aujourd’hui est Cassienne de Constantinople, une abbesse byzantine qui a vécu au IXème siècle. Ses hymnes sont encore utilisés aujourd’hui dans la liturgie de l’Eglise orthodoxe.

L’hymne de Cassienne :

Le Moyen-Age est aussi marqué par la figure d’Hildegarde Von Bingen, une religieuse allemande qui était également une femme savante et qui maîtrisait la composition.

Hélène de Montgeroult, un des chaînons entre le Classicisme et le Romantisme

A la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècle, la française Hélène de Montgeroult réussit à se faire un nom comme compositrice et pédagogue. La légende raconte que cette noble aurait réussi à échapper à la guillotine pendant la Révolution en improvisant sur la Marseillaise devant le tribunal révolutionnaire !

Son Cours complet pour l’enseignement du pianoforte, achevé en 1812, devient une référence et inspirera les compositeurs romantiques, notamment parce qu’elle met l’accent sur le chant. Cette étude a peut-être inspiré Schubert pour son lied Auf dem Wasser zu zingen :

 

Clara Schumann et Fanny Mendelssohn : deux femmes empêchées de composer par leur famille

A l’époque romantique, on retrouve en Allemagne deux compositrices qui doivent faire face aux hommes de leur famille et aux règles de la société pour qui une femme ne peut pas écrire de musique. D’abord Fanny Mendelssohn, la grande sœur de Félix Mendelssohn. Impensable pour elle de devenir compositrice, son père le lui dit clairement : “La musique deviendra peut-être pour Félix un métier, pour toi elle doit rester un agrément”. Quelques-unes de ses compositions sont signées par son frère mais le reste, elle doit le réserver à son cercle privé, jusqu’à ce qu’elle ose braver l’interdiction de Félix et publie certaines de ses œuvres un an avant sa mort.

L’autre, c’est Clara Schumann, femme de Robert Schumann. Son père, professeur de piano, lui enseigne cet instrument. Ses talents de pianistes sont reconnus dans de nombreux pays de son vivant et elle donne de nombreux concerts dans toute l’Europe dans lesquels elle interprète les compositions de son mari. Trop prise par ses occupations familiales, elle est obligée de délaisser sa carrière d’interprète et de compositrice. Elle finira par écrire : « Une femme ne doit pas prétendre composer. Aucune encore a été capable de le faire, pourquoi serais-je une exception ? Il serait arrogant de croire cela, c’est une impression que seul mon père m’a autrefois donnée. »

 

Les sœurs Boulanger : des pionnières dont l’empreinte marque durablement le XXème siècle

Le XXème siècle marque le début d’une reconnaissance institutionnelle des compositrices. Lili Boulanger devient la première à remporter le prestigieux Prix de Rome en 1913. Elle meurt à 24 ans en 1918 et dicte à sa sœur ce Pie Jesu sur son lit de mort :

Sa sœur Nadia fera vivre sa mémoire. Elle-même est aussi compositrice et elle fut l’une des premières cheffes d’orchestre. Aujourd’hui on se souvient surtout de sa pédagogie : elle a enseigné la musique a plus d’un millier d’élèves dont des compositeurs reconnus comme George Gershwin, Leonard Bernstein, Michel Legrand ou Philip Glass.

 

Les initiatives se multiplient pour faire connaître ces compositrices

S’il est toujours très compliqué pour les compositrices de se faire un nom aujourd’hui, les initiatives se multiplient pour les faire connaître. Le festival Présences Féminines ne programme que des femmes depuis dix ans, l’association ComposHer propose des listes de lecture, des entretiens et surtout des partitions de compositrices. La récompense de Camille Pépin aux dernières Victoire de la musique classique a été accueillie comme une bonne nouvelle par toutes celles et tous ceux qui militent pour la reconnaissance des compositrices.

 

Cette liste est évidemment non exhaustive, il reste de nombreuses compositrices que je vous encourage à aller découvrir : Elisabeth Jacquet de la Guerre, Louise Farrenc, Agathe Backer Grøndahl, Cécile Chaminade, Mel Bonis, Alma Mahler, Rebecca Clarke, Germaine Tailleferre, Betsy Jolas… Bonne écoute !

Augustin Lefebvre

 

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