Un compromis est-il possible entre agriculture traditionnelle et 100% bio ? Alors que l’agro-industrie s’insurge contre le plan « Farm to fork » (de la Ferme à la fourchette) voté hier au Parlement européen, il existe un concept à mi-chemin : la « ferme durable ».
La polyculture-élevage n’est pas une agriculture biologique mais une « agriculture raisonnée »
Alexis et Delphine Descamps sont un couple d’agriculteurs du Nord venus s’installer à la Bidinière à côté de Savigny-sur-Braye en 2004. Le couple possède 190 hectares de surface agricole et pas moins de 200 vaches laitières. A la fois agriculteurs et éleveurs, ils pratiquent ce qu’on appelle la « polyculture-élevage », c’est-à-dire que ce qui pousse dans leurs champs sert directement à nourrir leurs bêtes. Selon Alexis, « il y a besoin d’avoir des récoltes et des stocks. Si l’on n’en a pas, nous ne sommes pas en capacité de nourrir les animaux ».
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Dans ce cas, il faut diminuer le cheptel ou acheter à l’extérieur. Il existe tout de même différentes sources de revenus avec ce type d’agriculture. Tout d’abord par l’élevage avec la production laitière qui représente trois quarts des revenus, et ensuite, par les cultures de ventes qui elles équivalent à un quart de ces revenus. Quand la production laitière va mal, il y a la céréale pour rattraper ce déficit. Ici il n’y a pas de bio mais une « agriculture raisonnée » pour limiter l’usage des pesticides. Avec son champ de colza, Alexis fait un mélange d’espèces de céréales afin de « troubler les insectes qui sont perdus à ne pas savoir de quelles céréales il s’agit. Cela permet aussi de faire de la concurrence avec les mauvaises herbes ce qui limite l’utilisation des herbicides ».

La polyculture-élevage permet de baisser de moitié l’Indice de fréquence de traitement
La clef est donc le travail des sols avec un système de rotation des cultures. Un sol plein de pierres ou le labour est impossible à réaliser. Pour palier cela, Alexis et Delphine misent sur les vers de terre : « le ver de terre permet de ramener un maximum de matière organique en descendant le plus profondément dans le sol. Il permet en fait d’aérer le sol ». Avec les vaches en pâturage à côté, l’engrais est aussi trouvé : « on réutilise les litières des animaux pour fertiliser les sols ».
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Les Descamps regorgent d’imagination pour entretenir leur ferme durable. Benoit Rouillé, de l’Institut de l’élevage estime que la polyculture est un vrai intérêt sur la plupart des territoires puisque cela permet de baisser de moitié l’Indice de fréquence de traitement. De quoi atteindre les objectifs du plan européen « Farm to fork » à l’échéance 2030 pour pouvoir réduire de moitié l’usage des pesticides et consacrer un quart des terres au bio.
Laurie-Anne Toulemont