La neutralité carbone est devenue en quelques années le summum de l’action climatique. De nombreux pays comme la France promettent de l’atteindre d’ici 2050. A la COP26, c’est l’Inde qui l’a annoncé pour 2070. Les entreprises s’y mettent et le concept est en vogue mais il soulève aussi des inquiétudes.
« Pour être vraiment en mesure d’être à 0 émission il va falloir avoir un plan sur 30 ans »
La neutralité carbone c’est en fait la zéro émission nette. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura plus d’émissions de gaz à effet de serre mais qu’elles seront compensées entièrement. Selon Gilles Ramstein, climatologue, directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement : « il y a des sources de CO2 et puis il y a des puits de CO2 cela veut dire que l’on se mettra dans une situation ou les puits de CO2 compenseront la source ».
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Les puits de carbone ce sont les océans, les plantes, les forêts qui captent déjà aujourd’hui une partie de nos émissions. Une partie seulement car le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, estime ainsi que la neutralité carbone doit être atteinte en 2050 pour limiter le réchauffement à 1,5 degrés. Le problème est que certaines de ces promesses de neutralité ne s’accompagnent pas de plans d’actions très précis. « Pour l’instant ce que l’on a ce sont des promesses de dons. 2050 c’est très bientôt et pour être vraiment en mesure d’être à 0 émission il va falloir avoir un plan sur 30 ans. On a l’impression d’être au poker c’est-à-dire que les gens font leurs annonces mais comment vont-ils y arriver ? Peu de pays se penchent sur cette question » clame Gilles Ramstein.
Amazon, Nestlé ou encore Total ont annoncé un objectif neutralité carbone
Pour atteindre cette fameuse neutralité certains pays misent aussi beaucoup sur ce que l’on appelle des techniques de géo-ingénierie pour par exemple, capter et stocker le CO2. Des techniques qui sont encore en cours de développement ou pour augmenter les capacités d’absorption des puits naturels comme par exemple planter des forêts immenses ce qui pose là aussi, de nombreux problèmes selon Anne Bringault, coordinatrice du réseau action climat en France : « le problème c’est que ces forêts ne sont pas forcément pérennes on l’a vu avec les incendies en Amérique du Nord, au Canada l’été dernier. Il y a aussi l’enjeu de ce que l’on appelle une forêt et ce qu’on appelle un reboisement. Souvent ce sont des plantations d’arbres de type eucalyptus et c’est tout sauf de la biodiversité ou de la forêt. On est plutôt dans le domaine de l’agriculture. La question est : ou est-ce que l’on plante ces eucalyptus, est-ce sur des terres ou on aurait par ailleurs produit une culture alimentaire ? ».
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L’Arabie saoudite par exemple veut ainsi planter des milliards d’arbres. Les entreprises elles aussi comptent sur les forêts. C’est ce que l’on appelle de la compensation. Amazon, Nestlé ou encore Total ont annoncé un objectif neutralité carbone. Un cap important mais qui ne doit pas éclipser la nécessité d’agir à court terme. « Il y a un risque d’immobilisme qui se donne bonne conscience c’est-à-dire que pour l’instant on ne fait rien car on pense avoir les technologies pour s’en sortir dans 20 ans. Fixer un cap est une bonne chose mais il faut que cela soit accompagné d’un plan d’action très précis sur les 10 années à venir » selon Anne Bringault. Les scientifiques rappellent de leur côté que la neutralité carbone ne pourra être atteinte qu’à condition de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre avant 2030.
Baptiste Gaborit
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