Il y a 20 ans jour pour jour, le 21 septembre 2001, 300 tonnes de nitrate d’ammonium explosent dans un des hangars de l’usine d’engrais azotés AZF, à Toulouse. Le bilan est de 31 morts et des milliers de blessés. Depuis, face aux risques industriels, l’arsenal législatif a été renforcé et la prévention consolidée mais il reste de nombreuses failles.
« Sur les 16 000 logements concernés en France, seulement 1500 ont réalisé les travaux obligatoires »
Un texte législatif découle directement de la catastrophe d’AZF. Il s’agit de la loi « Risques », loi dite Bachelot, votée en 2003 et qui a permis notamment de renforcer les études de danger dans les établissements classés. Alban Bruneau, maire de Gonfreville-l’Orcher en Seine-Maritime et président de l’association des maires pour la maitrise des risques majeurs affirme que,
« Les industriels ont évidemment fait des efforts en matière de réduction du risque à la source. D’ailleurs, on a pu le constater à l’occasion de l’évènement majeur du Lubrizol, certaines matières dangereuses avaient été déplacées en faisant suite aux mesures prises après l’accident d’AZF ». Une loi marquée également par la création des PPRT (Plans de Prévention des Risques Technologiques), destinés à maitriser l’urbanisation autour des sites SEVESO c’est-à-dire des sites dangereux. La loi prévoyait notamment de renforcer l’habitat dans le voisinage avec des travaux de sécurisation des logements les plus proches.
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Le compte n’y est pas pour Alban Bruneau, « 16.000 logements concernés en France, seulement 1500 aujourd’hui ont réalisé les travaux obligatoires. Le financement prévoit que la prise en charge soit à hauteur de 90% donc un reste à charge de 10% pour les familles qui sont souvent modestes ». Selon lui, s’il n’y a pas une volonté politique forte, les travaux n’avancent pas.
Seuls 2% des 500 000 installations classées sont contrôlées chaque année selon les experts
Un manque de volonté, un manque de moyens c’est le cas également pour le contrôle des sites industriels. Après Lubrizol, le gouvernement avait annoncé la création de 50 postes d’inspecteurs et une augmentation de 50% des contrôles sur le terrain. Insuffisant selon Arnaud Gossement, avocat, spécialiste du droit de l’environnement, « Il y a à peu près 500 000 sites industriels en France. Sur ces 500 000 sites il y a environ 1600 inspecteurs c’est évidemment bien trop peu. L’Etat n’est pas assez présent auprès des industriels et je pense qu’ il y a un consensus sur ce point ».
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Seuls 2% des 500 000 installations classées sont contrôlées chaque année selon plusieurs experts. Les règles de stockage dans les usines sont plus strictes mais il existe plusieurs failles identifiées. C’est notamment le cas avec le stockage de nitrate d’ammonium chez les agriculteurs, matière première pour fabriquer les engrais. C’est un problème majeur selon Jacky Bonnemains, directeur de l’ONG Robin des Bois. Il déplore le fait que n’importe quel agriculteur peut stocker 250 tonnes de nitrate d’ammonium au dosage, sans prévenir ni les pompiers, ni les maires, ni les voisins. Il faudrait être beaucoup plus ferme et imposer aux agriculteurs de stocker ces engrais dans des conditions raisonnables selon lui. En juin dernier, un rapport commandé par le gouvernement après l’explosion du port de Beyrouth, pointait également des lacunes réglementaires dans le transport du nitrate d’ammonium en France, notamment dans les ports fluviaux.
Baptiste Gaborit