Scientifiques, collectivités et entreprises se mobilisent pour protéger le maërl, une algue rouge au calcaire très fragile. Dans la rade de Brest, les bancs de maërl ont de plus de 2 000 ans, mais aujourd’hui ils sont en mauvais état.
Les agriculteurs bretons se servent du maërl comme engrais
Un tiers des bancs de maërl a été détruit. Un autre tiers est dans un état moyen. Caché à 5-6 mètres de profondeur dans la rade de Brest, ce banc de maërl est le plus grand de France voire d’Europe, il recouvre 5 000 hectares. L’espèce est pourtant encore trop méconnue. Selon Jacques Grall, ingénieur de recherche à l’Institut universitaire européen de la mer à Brest : « le maërl est une algue rouge mais qui contrairement à la plupart des algues, est calcaire donc dure. Elle pousse comme un petit arbuste. Il faut 3 ans pour faire un millimètre, donc 30 ans pour faire un centimètre. On peut trouver dans la rade de Brest des plantes qui ont plus de 300 ans ». Comme une forêt de HLM, les maërls sont des nurseries qui forment des grottes où fourmillent plus de 1 000 espèces. « Dans les bancs de maërl de Brest, on parle même de 300 espèces au mètre carré » affirme Nazaré Das Neves Bicho, chargé de mission Biodiversité au Parc naturel Régional d’Armorique. « Il y a les algues, les invertébrés, les coquillages comme le pétoncle, la praire ou la coquille Saint-Jacques. Et puis, il y a aussi beaucoup de juvéniles de poissons comme des juvéniles de bar ou de dorade, c’est donc énorme en termes de biodiversité. En rade de Brest, on a une espèce de maërl boule que l’on va retrouver dans deux endroits : à Brest et en Irlande » affirme-t-elle.
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Malheureusement pour le maërl, il est aussi très utile pour les agriculteurs bretons qui s’en servent comme engrais. Jusque dans les années 2000, des centaines de milliers de tonnes de maërl étaient extraites chaque année. Depuis, c’est interdit mais les stocks n’ont pas pu se renouveler et un autre fléau a entamé les bancs : la pêche aux praires, qui se nichent dans les maërls. Pour Jacques Grall : « c’est en 2004 que la pêche aux coquilles Saint-Jacques a été interdite parce qu’il y avait des toxines dedans et c’est pourquoi les pêcheurs se sont retournés vers la praire. Rien que cette année-là, on a vu tout de suite une bonne partie des bancs qui étaient atteints. Ils se dégradaient les uns après les autres ».
30 bouées de la société Temano vont être installées dans le port de Brest
La pêche à la drague mais aussi les mouillages de bateaux de plaisance détruisent les bancs de maërls. Leurs gros blocs de béton et surtout leurs chaînes raclent les fonds et détruisent tout sur leur passage : « imaginez un potager au gré des vents. La chaîne va tout simplement tout fouetter, tout arracher en permanence. Donc vous avez juste un désert de terre ». Nicolas Samzun est à la tête de l’entreprise Temano. Il a inventé un système de mouillage écologique pour sauvegarder les maërls : « on utilise une technique de forage avec des tiges de 30 millimètres en acier que l’on met dans le sol. En surface on se retrouve avec juste une petite tige qui sort du maërl et qui a une empreinte minimale équivalant à la paume d’une main. Reliée à la bouée par une ligne où il y a un gros caoutchouc qui est suspendu par un flotteur de manière à ne pas toucher le fond ».
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L’idée a plu à la mairie de Roscanvel, située au sud-ouest de la rade de Brest. 30 bouées de la société Temano vont être installées dans le port. Selon le maire adjoint de la commune, Jean-François Couret : « ça représente 75 000 euros d’investissement. Nous avons fait un effort financier mais qui est compensé en grande partie par l’Office français de la biodiversité. Le port de Roscanvel, c’est une vitrine, il faut qu’on protège l’environnement, il faut qu’on protège la diversité et la qualité de l’eau de la rade de Brest qui n’est pas très bonne ». La pureté de l’eau dans la rade de Brest est liée au destin du maërl car l’algue rouge est un puits de carbone, ce qui permet d’améliorer la qualité de l’eau.
Laurie-Anne Toulemont