La pression monte sur les dirigeants d’entreprises pour augmenter les salaires de leurs employés.
En sortie de crise, 100 000 personnes ont quitté le secteur de l’hôtellerie-restauration
C’est assez incroyable comme le discours global a changé sur cette question depuis trois mois. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, disait lors de la Rencontre des Entrepreneurs de France, l’évènement de rentrée du Medef, fin août : « le travail doit payer ». Geoffroy Roux de Bézieux avait répondu aussi sec : « c’est au chef d’entreprise de le décider ». Mi-novembre, ce même président du Medef, le prédisait : « beaucoup d’entreprises vont augmenter les salaires, parce qu’ils ont été peu augmentés en 2020 et 2021, parce qu’il y a de l’inflation, et parce qu’on a du mal à recruter ». A ce moment-là, Geoffroy Roux de Bézieux est un peu rattrapé par le constat du terrain : quand on n’arrive pas à trouver des salariés, l’une des options les plus évidentes est de faire des offres plus attractives. Forcément les autres salariés, ceux déjà en poste dans l’entreprise, demandent leur part. Ensuite, c’est Elisabeth Borne la ministre du Travail, qui a mis son petit coup de pression, cette fois au niveau des branches, car certaines ont des grilles qui commencent en-dessous du Smic.
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Un message entendu par la soixantaine de branches professionnelles qui ont ouvert des négociations. Et notamment l’hôtellerie-restauration, emblématique de ce mouvement dans la sortie de crise. 100 000 personnes ont quitté ce secteur. Alors qu’ils étaient en cuisine ou en salle, ils ne sont pas revenus travailler après la réouverture des restaurants et des bars. Le patronat dans ce secteur, propose d’emblée 10% de hausse des salaires et c’est historique. En face, les syndicats se sentent pousser des ailes puisque la CGT demande 25% et la CFDT 35%. Chez Leroy Merlin, les salariés ont finalement obtenu près de 4% d’augmentation après un mouvement de grève assez suivi, qui a duré deux semaines et a surpris la direction.
L’inflation a augmenté de 2,6% sur un an, en novembre
Enfin, il y a cette étude venant de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, elle-même : 64% des dirigeants sont à la recherche de profils dans des métiers en tension, près des trois-quarts d’entre eux constatent une hausse des prétentions salariales. Un patron sur deux y a déjà cédé. Mais est-ce que l’économie française peut se permettre ces augmentations de salaires ? La question se pose entreprise par entreprise. En effet, comme le disait Geoffroy Roux de Bézieux, soit un patron a les moyens d’augmenter, soit non, c’est quasiment binaire. Mais cette question se pose aussi au niveau national. On évoque beaucoup l’inflation qui monte de mois en mois : 2,6% sur un an en novembre. On voit la hausse automatique du Smic (déjà 2,2% d’augmentation en octobre 2021, encore une hausse à prévoir en février 2022, au-delà de 0,6% selon Elisabeth Borne).
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La grande crainte des économistes est ce qu’on appelle la « boucle prix-salaires » ou la « spirale de l’inflation », c’est-à-dire : les prix augmentent, donc on augmente les salaires pour compenser, cela renchérit le coût de ce qui est produit et les prix augmentent encore et ainsi de suite. Il n’y a pas de boucle prix-salaires à craindre si la productivité des entreprises augmente aussi vite, c’est-à-dire si chaque salarié produit un peu plus. Mais pour le moment, c’est un grand point d’interrogation car un autre indicateur est à relier à tout ça. Il s’agit du chômage qui baisse de manière spectaculaire. L’économie française emploie beaucoup de monde, pour une production qui arrive tout juste aux niveaux d’avant la crise. On se demande donc, si la productivité n’est pas en baisse, et là ce serait une très mauvaise nouvelle car les augmentations de salaires dont on vient de parler, n’auraient plus de sens.
François Geffrier
Ecoutez les explications de François Geffrier à 3’30 :