Pierre Soulages est mort à 102 ans : « Enfant, on m’offrait des couleurs mais je préférais le noir »

Crédit :Luc Valigny Pour Tsugi

Le peintre français Pierre Soulages est décédé hier à l’âge de 102 ans. Du noir pur, il est parvenu à faire jaillir la lumière. Radio Classique révèle à cette occasion quelques propos du créateur recueillis par Guillaume Durand en 2012.

Pierre Soulages : « On met du noir à côté d’une couleur sombre et elle s’éclaire »

« J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité […] Le noir a des possibilités insoupçonnées », expliquait en décembre 2019 Pierre Soulages, un des rares artistes à avoir eu les honneurs du Louvre de son vivant. « C’est une couleur très active. On met du noir à côté d’une couleur sombre et elle s’éclaire ». Pendant plus de 75 ans, il a tracé inlassablement son sillon, s’attirant la reconnaissance des institutions culturelles et du marché de l’art qui en a fait un des artistes français en activité les plus cotés. « Je ne dépeins pas, je peins. Je ne représente pas, je présente », exprimait-il dans un entretien réalisé avec Guillaume Durand en 2012.

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Né le 24 décembre 1919 à Rodez, c’est lors d’une visite scolaire à l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, toute proche, que Pierre Soulages a une révélation devant la beauté de cette église romane: il sera peintre. Dès 1947, le jeune aspirant s’installe à Paris où il est remarqué par Francis Picabia qui l’encourage, ainsi que Fernand Léger. La peinture abstraite a alors la côte. Mais elle est rouge, jaune, bleue. Soulages, lui, choisit de travailler avec de l’humble brou de noix, utilisé pour teinter le bois, et des brosses de peintre en bâtiment. « Il a eu un impact très grand pour tous les membres de l’abstraction », explique Guy Boyer, directeur de la rédaction de connaissance des arts à Radio Classique. « On retiendra son immense rigueur, l’omniprésence du noir et surtout les vitraux de l’église Sainte-Foy-de-Conques qu’on oublie trop souvent mais qui sont des chefs d’œuvres français ». 

En 2012, il expliquait à Guillaume Durand l’évolution du noir de ses créations

« Enfant, on m’offrait des couleurs mais je préférais le noir », disait-il à Guillaume Durand en 2012. Le peintre affirmait à l’époque qu’il avait été remarqué parce que la peinture de l’époque était très colorée. « Quand on voit mes toiles maintenant, on les remarque moins qu’à l’époque ». Dès les années 1950, ses toiles entrent dans les plus prestigieux musées du monde comme le Guggenheim de New York ou la Tate Gallery de Londres. Il rencontre les principaux représentants de l’École de New York, dont Mark Rothko qui devient son ami. Grand, toujours vêtu de noir, Pierre Soulages n’a jamais coupé le lien avec son terroir natal, l’Aveyron, et à sa ville natale Rodez où a été inauguré en 2014 un musée entièrement dédié à son œuvre.

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Après 1979, son rapport au noir a évolué. D’une « valeur de contraste puissant », d’une « couleur violente », le noir a mué vers la lumière, expliquait-t-il à Guillaume Durand. Le déclic est arrivé « par hasard ». « Je travaillais des heures sur un tableau mauvais et je suis allé dormir. Je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose de plus fort en moi pour que je travaille sur ce tableau mauvais. J’ai alors compris que je ne travaillais plus avec le noir mais avec la lumière réfléchie par les états de surface du noir », décrivait-t-il. Interrogé en 2014 par le magazine culturel Tsugi sur ses goûts musicaux, Pierre Soulages qui ne travaillait que dans le silence et la solitude, avait répondu : « Quand je suis arrivé à Paris après la Seconde Guerre mondiale, j’ai été attiré par des musiques de la fin du XIIe siècle comme l’école de Notre-Dame avec Léonin et Pérotin. Puis le début de la polyphonie au XIVe siècle avec Guillaume de Machaut. J’ai aussi beaucoup aimé les chants pygmée sou alors les musiques laïques tibétaines ».

Philippe Gault, Julie Droin

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