Trente-quatre ans après la parution de son roman La Servante écarlate, la romancière canadienne Margaret Atwood publie Les Testaments (ed. Robert Laffont).
La Servante écarlate : un roman culte
« Je m’étais fixé une règle : je n’inclurais rien que l’humanité n’ait pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque, ou pour lequel la technologie n’existerait pas déjà » écrit Margaret Atwood dans la postface de La Servante écarlate. Sur cette dystopie glaçante planent en effet les ombres des Lebensborn, (le projet eugéniste conçu par les Nazis), de l’affaire des enfants volés sous la dictature argentine, et des divers persécutions, autodafés ou pendaisons publiques de notre histoire collective, très inventive en matière de cauchemars…
La romancière canadienne y imagine que l’Amérique a basculé dans un régime totalitaire, théocratique et misogyne, après un coup d’État qui a aboli la Constitution. Du jour au lendemain, les femmes sont privées d’emploi, de moyens de paiement et de liberté et sont réparties par castes : les vertueuses Epouses, les industrieuses Marthas, bonnes à tout faire vêtues de vert, les pieuses Tantes vouées à Dieu et aux Ecrits, et les Servantes aux robes écarlates, qui doivent mettre leur fertilité au service de tous et vont de famille en famille, pour être engrossées par le maître de maison et donner leur enfant à l’épouse officielle.
Ce livre paru en 1985 (!) a connu un immense succès dès sa sortie, succès que son adaptation en série télévisée, avec Elisabeth Moss dans le rôle principal, a décuplé. Le roman est devenu un symbole pour les militantes féministes à travers le monde, et il n’est pas rare de voir lors de rassemblements pour défendre les droits des femmes – le droit à l’avortement par exemple, des manifestantes en capes rouges, coiffées de blanc. Ce fut le cas notamment lors de la grande marche des femmes organisée aux Etats-Unis après l’investiture de Trump.
Les Testaments : retour à Galaad
34 ans plus tard, Margaret Atwood, 79 ans, offre une suite très réussie à son livre, inspirée à la fois par les nombreuses questions de ses lecteurs et par l’actualité. Ce n’est plus Defred qui a la parole (De-Fred : les servantes perdant leur liberté, perdent aussi leur nom et prennent celui de leur « propriétaire », Defred est la servante du Commandant Fred Waterford), mais trois autres personnages féminins. La machiavélique Tante Lydia, l’un des piliers du régime, et deux jeunes filles : l’une, Agnes, élevée à Galaad et n’ayant jamais rien connu d’autre que la dictature, le point de croix et les mariages forcés ; l’autre, Daisy, élevée au contraire au Canada, pays libre et voisin où s’organise la résistance. Une écriture chorale qui permet à l’auteur de révéler beaucoup de détails sur le fonctionnement du régime, et surtout sur son avènement.
Dire que cette suite était attendu est un euphémisme : l’éditeur a dû faire face des semaines durant à des tentatives de piratage du manuscrit et la sortie dans les pays anglophones, le 10 septembre dernier, a provoqué dans les librairies des files d’attente jamais vues depuis la sortie du tome 7 d’Harry Potter ! Pendant une semaine, un exemplaire a été vendu toutes les 4 secondes en Angleterre. Gageons qu’il en sera de même en France. Grâce à la célérité des éditions Robert Laffont, (la traduction s’est faite presque en simultané !) Les Testaments sort aujourd’hui !
Elodie Fondacci