Marc-Antoine Charpentier s’est heurté, comme les autres compositeurs français de son époque, au monopole de l’opéra accordé à Lully par Louis XIV. Les portes de Versailles lui étant fermées, il se tourne vers des protecteurs à Paris, et vers la musique religieuse. Ce n’est qu’après la mort de Lully qu’il pourra enfin faire représenter Médée sur la scène de l’Académie royale de Musique.
Marc-Antoine Charpentier en 10 dates :
- 1643 : Naissance à Paris
- 1665 : Départ pour Rome
- 1670 : Employé à Paris par la famille de Guise
- 1672 : Collaboration avec Molière
- 1685 : Pastorale Les Arts florissants
- 1688 : Oratorio David et Jonathas (création à Paris)
- 1692 : Te Deum (création)
- 1693 : Tragédie lyrique Médée (création à Paris)
- 1698 : Maître de musique à la Sainte Chapelle
- 1704 : Mort à Paris
Si la musique ne semble pas avoir eu une grande place dans son enfance, le séjour en Italie sera très formateur.
L’enfance de Marc-Antoine n’est pas très connue. Son père est maître écrivain, profession importante et très réglementée, au service notamment de la justice et de la maison du Roi. La famille de cinq enfants vit au cœur de Paris, dans la paroisse de Saint-Séverin. Sans doute est-elle aisée et très éduquée, mais la musique ne semble pas présente. Sa mère décède, bientôt suivi dans la tombe par son père en décembre 1661. Un tuteur est alors désigné pour l’éducation des enfants.
On ne connaît pas les circonstances du départ de Marc-Antoine pour Rome. Il a plus de vingt ans, et devient l’élève du compositeur Carissimi, connu pour ses cantates et ses oratorios. C’est ainsi qu’il reçoit pendant plusieurs années sa principale formation musicale, dont il se souviendra plus tard dans ses compositions religieuses. Il rentre à Paris en 1670 pour se mettre au service de la duchesse de Guise. Notons que c’est déjà pour cette aristocrate mélomane qu’un jeune italien du nom de Lulli était venu en France en 1646 !
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A Paris, Charpentier bénéficie de la protection de la duchesse de Guise.
Pendant dix-huit ans, de 1670 à 1688, il est employé par la famille de Guise et logé dans leur hôtel particulier (aujourd’hui Hôtel de Soubise, rue des Archives, dans le Marais). Marie de Guise, restée célibataire, est une grande protectrice des arts et passionnée de musique. Elle entretient un orchestre et des chanteurs. Charpentier est lui-même haute-contre et participe souvent aux concerts. Il compose pour Mademoiselle et ses musiciens des divertissements comme Les Arts florissants, allégorie des beaux-arts sur le thème de la paix et de la discorde, mais aussi des mini-opéras (ou opéras de chambre) comme La descente d’Orphée aux enfers, charmante pièce qui ne comporte que deux actes, avec une fin positive de sortie de l’enfer, sans que l’on sache si le compositeur envisageait un troisième acte.
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Charpentier travaille avec Molière, puis accède enfin à Versailles après la mort de Lully.
Après sa rupture avec Lully, Molière demande à Charpentier de composer la musique de plusieurs pièces, comme Le Mariage forcé et Le Malade imaginaire. Mais la mort de Molière en 1673 met fin à cette brève collaboration, qui trouve cependant un prolongement durable avec d’autres auteurs dramatiques tel Thomas Corneille, frère du grand dramaturge classique. Il produit ainsi pour Charpentier le livret de sa grande tragédie lyrique : Médée. Unique grand opéra du compositeur, Médée est crée à l’Académie royale de musique en 1693. Lully est mort depuis six ans, mais ses partisans n’ont pas désarmé. Ils montent donc une cabale contre l’œuvre de Charpentier. Tout en reprenant le modèle français de la tragédie lyrique, mis au point par son illustre prédécesseur, Charpentier y intègre des éléments italianisants.
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Au-delà du Te Deum, choisi comme indicatif de L’Eurovision, Charpentier a écrit beaucoup de musique religieuse
Les psaumes, motets et Leçons de ténèbres de Charpentier sont innombrables. Si le Te Deum en ré majeur est le plus connu depuis que son prélude a été choisi comme indicatif de l’Eurovision en 1953, Charpentier en a aussi écrit d’autres. Nommé maître de Chapelle de l’église Saint Louis des Jésuites (rue Saint Antoine), puis de la maîtrise de la Sainte Chapelle, Charpentier compose de plus en plus d’œuvres religieuses. Ses oratorios, appelés « histoires sacrées », en constituent la partie la plus originale et la plus touchante, comme In Navitatem Domini Canticum, récit de la Nativité du Christ, ou David et Jonathas, récit biblique de l’affrontement tragique de Saül et David Le jugement de Salomon sera l’une de ses dernières compositions. Il meurt en février 1704. Sans enfant, c’est son neveu Jacques Edouard qui hérite de ses manuscrits réunis en 28 volumes. Il les vendra à la Bibliothèque Royale.
Prélude du Te Deum de Charpentier
Après plus de deux siècles d’oubli, les partitions de Charpentier sont exhumées au début des années 1950 par un prêtre musicologue, Carl de Nys. En 1953, le fameux Te Deum est enregistré par les Concerts Pasdeloup, ainsi que Médée sous la direction de Nadia Boulanger. William Christie, fondateur en 1979 de l’ensemble de musique baroque les Arts Florissants, aura aussi sa part dans la redécouverte de Charpentier, de même que Hervé Niquet plus récemment.
Philippe Hussenot