Une étude publiée en juin 2021 dévoile les raisons précises de la qualité acoustique incomparable des violons fabriqués par les grands luthiers de Crémone (Stradivari, Guarneri et Amati) aux 17ème et 18ème siècles. Elle révèle notamment la composition exacte des produits chimiques utilisés pour leur fabrication.
Trente chercheurs impliqués dans cette étude
Il y a 40 ans, Joseph Nagyvary, professeur émérite de biochimie à l’université A&M au Texas, fut le premier à exposer une théorie solide sur la qualité sonore exceptionnelle des violons des grands luthiers de Crémone, entre 1660 et 1750. Il s’est penché sur les produits chimiques utilisés lors de leur fabrication, davantage que sur les matériaux utilisés, ou l’assemblage de ces instruments d’exception.
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Depuis, de nombreuses études et notamment celle conjointe de laboratoires français et allemands en 2009, ont cherché à découvrir comment et pourquoi ces produits chimiques confèrent à ces instruments des sonorités si particulières. La dernière en date, parue au mois de juin dans la revue scientifique allemande Angewandte Chemie, réalisée par une trentaine de chercheurs dont Joseph Nagyvary, détaille quels produits chimiques ont été utilisés et comment ils ont pu avoir un effet sur le son des violons de Cremone.

Des vernis composés de borax, de zinc, de cuivre, d’alun et d’eau de chaux
Les résultats de cette étude, qui a impliqué plusieurs laboratoires américains, suisses et taïwanais, montrent que le borax, le zinc, le cuivre et l’alun, ainsi que l’eau de chaux, ont été utilisés pour traiter les bois dans lesquels ont été fabriqués ces instruments. S’il semble que l’usage de certains de ces produits était nécessité par la protection des bois utilisés (épicéa et érable) contre les vers, il apparaît que d’autres ont été employés pour, selon Joseph Nagyvary, « obtenir un avantage concurrentiel par rapport aux autres fabricants d’instruments » et notamment au niveau du son.
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Le chercheur ajoute que « ces luthiers ont probablement réalisé que les sels spéciaux utilisés pour le traitement du bois présentaient également un avantage supplémentaire en termes d’acoustique et de résistance ». L’étude révèle que les produits chimiques mentionnés ont été trouvés non seulement à l’extérieur du corps des violons analysés, mais aussi dans toutes ses parties internes, de la table d’harmonie aux éclisses et au fond. Dans leurs conclusions, les responsables de l’étude estiment que leurs résultats suggèrent que « les luthiers de Cremone ont entrepris des expériences d’ingénierie des matériaux pour produire des instruments aux propriétés uniques ».
Philippe Gault