Quel rapport avait Jacques Chirac avec la musique classique ?

Dans son livre de Mémoires « le Temps présidentiel », publié en 2011, Jacques Chirac écrivait: « Loin de chercher à démentir cette réputation qu’on m’avait faite dans certains milieux, je m’amusais plutôt à l’entretenir en affirmant que je ne m’intéressais qu’aux westerns et à la musique militaire ». C’est pourtant cette image d’un homme politique assez frustre en matière de culture cinématographique et peu sensible à la musique classique qu’a retenu le grand public.

Jacques Chirac : un président peu sensible à la musique classique ?

Là encore l’ancien président de la république a bien caché son jeu car, même si on se souvient surtout de photos de lui aux côtés de Madonna, Julio Iglesias, Mireille Mathieu ou Line Renaud, il s’est intéressé à la musique classique ou tout au moins aux grands interprètes et musiciens qu’il a régulièrement croisés tout au long de sa carrière politique, en grande partie grâce à l’influence de son épouse Bernadette. En revanche, ce qu’il n’a jamais caché c’est le peu d’intérêt qu’il éprouvait pour l’opéra (ce qui est également le cas de tous les présidents de la Ve République à l’exception de Valéry Giscard d’Estaing, habitué des salles de concert). Et les rares photos qui le montrent à l’Opéra Garnier correspondent surtout à des sorties officielles en tant que maire de Paris pour des concours de danse ou des galas de fin d’année.

 

Jacques Chirac appréciait les grands musiciens classiques

C’est surtout lorsqu’il occupait les fonctions de maire de Paris que Jacques Chirac a eu l’occasion de rencontrer et de se lier d’amitié avec de grands musiciens. Ce fut le cas pour Mstislav Rostropovitch qu’il reçu en 1978 et dont le concert improvisé à Berlin lors de la chute du mur l’émut considérablement. À sa mort en 2007, Jacques Chirac, encore président, fit part de son « immense douleur pour la perte d’immense musicien qui avait fait de son violoncelle un instrument de paix. Il offrait chaque jour son talent et sa notoriété au service d’une vision du monde faite de réconciliation, d’humanité, de générosité et de tolérance ». Bernadette Chirac avait même tenu à faire le voyage à Moscou pour saluer la mémoire du violoncelliste lors de ses obsèques à la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou. Il y eut aussi Yehudi Menuhin, que Jacques Chirac admirait pour sa virtuosité de violoniste, sa joie de vivre et son parcours d’homme. À la nouvelle de sa disparition en 1999,  Jacques Chirac parla de sa « lumière du cœur ». On pense également à Daniel Barenboim que Jacques Chirac décora de la Légion d’honneur à Berlin en 2007 avec ses mots: « Vous êtes un artiste complet, un pianiste et un chef d’orchestre incomparable (…) Vous êtes, enfin, un homme de paix. Un homme engagé avec une ardeur inlassable, avec un courage que rien ne peut abattre, pour la réconciliation israélo-palestinienne. Votre arme pour la paix, c’est votre baguette de Chef d’orchestre : qu’est-ce qui, mieux que la musique, sait parler, selon vos propres termes, « à la tête, au cœur et au ventre » » ?

 

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Jacques Chirac, Pierre Boulez et la Philharmonie de Paris

« Quand on demandait à Jacques Chirac ce qu’il écoutait comme musique, il répondait Pierre Boulez » a raconté, malicieusement, l’essayiste et critique musical Benoît Duteurtre. Difficile de savoir si cette déclaration correspondait à la réalité, toujours est-t-il que les deux hommes, qui s’étaient rencontrés par l’intermédiaire de Marcel Landowski, lorsqu’il dirigeait les Affaires culturelles à la mairie de Paris à la fin des années 70, s’estimaient et ont entretenu une proche collaboration qui a conduit à la création de la Philharmonie de Paris. En effet, il faut se souvenir que le projet de Cité de la musique, initié en 1981 par François Mitterrand et Jack Lang, avait été par la suite amputé de son grand auditorium de 2700 places, en raison de l’édification à la Bastille d’un « Opéra populaire » en 1989. Une salle de grande capacité qu’avait pourtant réclamée Pierre Boulez dès 1979, lorsqu’il avait exposé son idée de « Cité internationale de la musique » à Valéry Giscard d’Estaing. Et c’est en 2002, à l’occasion de la réélection de Jacques Chirac que la création de la Philharmonie de Paris fut relancée (Le projet figurait d’ailleurs dans son programme électoral ainsi que dans celui de Lionel Jospin). Soutenu Dominique de Villepin, nommé 1er ministre en 2005, le projet sera officiellement remis à l’étude le 10 octobre de cette même année et son lancement annoncé le 6 mars 2006 à l’occasion de la réouverture de la Salle Pleyel. C’est donc certainement, en grande partie, grâce aux bonnes relations qu’entretenaient Jacques Chirac et Pierre Boulez depuis plus de 20 ans que la grande salle réalisée par Jean Nouvel a pu enfin être inaugurée le 14 janvier 2015. 

Jacques Chirac ne fut donc certainement pas un mélomane mais nullement insensible au classique. En résilience peut-être au mal de vivre dont souffrit Laurence, sa fille aînée, disparue en 2016, qui confiait dans un entretien: « Je crois qu’il va être désappointé s’il apprend ça… mais j’aime beaucoup la musique classique et j’aurais aimé avoir un père compositeur « .

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Philippe Gault

 

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