L’intervention militaire en Ukraine a de multiples conséquences collatérales, notamment dans le secteur de la musique. Des musiciens, chefs d’orchestre et compositeurs russes sont déprogrammés et de nombreuses institutions et artistes à travers le monde, se mobilisent pour dénoncer le coup de force de Moscou et appeler à la paix.
Valery Gergiev, Denis Matsuev et Anna Netrebko sont déprogrammés
Dès l’annonce en milieu de semaine dernière de l’intervention russe en Ukraine, un certain nombre de grandes institutions musicales du monde entier ont marqué leur indignation et leur soutien au peuple ukrainien. Certaines ont intégré l’hymne ukrainien au programme de leurs concerts et d’autres ont décidé d’écarter des musiciens ou chefs d’orchestre proches du pouvoir russe. Les premiers musiciens russes concernés sont Valery Gergiev et Denis Matsuev, soutiens avérés de Vladimir Poutine. Tous deux ont été déprogrammés du Carnegie Hall où ils devaient se produire le week-end dernier. Concernant le chef d’orchestre russe, la Scala de Milan – où il doit diriger La Dame de Pique de Piotr Ilitch Tchaïkovski – le Philharmonique de Rotterdam et celui de Munich, dont il est directeur musical, menacent de rompre leur collaboration avec lui s’il ne prend pas position contre l’intervention russe en Ukraine. La Philharmonie de Paris a également annulé les concerts de l’Orchestre du Théâtre Mariinsky que Valery Gergiev devait diriger les 9 et 10 avril tandis que le Verbier Festival, prestigieux festival de musique classique en Suisse, a annoncé avoir « demandé et accepté » sa démission du poste de directeur musical de son orchestre. En République tchèque, le Festival Dvorak de Prague a également annulé la participation du maestro en septembre prochain.
A lire aussi
Au Danemark, sous pression de la municipalité d’Aarhus, Anna Netrebko a dû annuler le récital qu’elle devait y donner avec son mari Yusif Eyvazov vendredi au Musikhuset. Mais la soprano russe a publié un message sur Instagram dans lequel elle déclare : « je suis contre cette guerre. Je suis Russe et j’aime mon pays mais j’ai beaucoup d’amis en Ukraine et la douleur et la souffrance en ce moment, me brisent le cœur. Je veux que cette guerre se termine et que les gens puissent vivre en paix ». Depuis, la soprano russe a annoncé qu’elle suspend sa participation aux concerts qu’elle devait donnerais les semaines à venir.
Le chorégraphe Laurent Hilaire a décidé de quitter Moscou
Les grandes institutions russes sont également visées. C’est le cas du célèbre ballet du Bolchoï, dont les représentations programmées cet été au Royal Opera House de Londres sont annulées. En Autriche, la Brucknerhaus de Linz a décidé de mettre un terme à sa collaboration avec la Maison de la musique de Saint-Pétersbourg, dirigée par le violoncelliste Sergei Roldugin, lui aussi proche du président russe. De grands compositeurs russes font aussi les frais de cette crise. En Slovaquie, l’Orchestre philharmonique national a supprimé de son programme une partie de la cantate Alexandre Nevski de Serge Prokofiev, pour « éviter d’éventuels malentendus à propos du texte » de cette œuvre. En Croatie, l’Orchestre philharmonique de Zagreb a annulé l’interprétation de deux œuvres de Tchaïkovski qui devaient être jouées vendredi soir et le Théâtre national a annoncé, pour sa part, qu’un concert intitulé Sérénade russe prévu le 6 mars, serait également annulé en évoquant des « raisons techniques ».
A lire aussi
Autre impact collatéral : la situation des musiciens étrangers qui exercent en Russie. C’est le cas notamment, de l’ancien danseur étoile français, Laurent Hilaire, qui dirige depuis 5 ans la troupe de ballet du Théâtre académique musical Stanislavski à Moscou. Il a annoncé sa démission ce week-end : « je regrette cette décision, j’ai travaillé en harmonie (avec les équipes du théâtre), je quitte Moscou avec tristesse mais le contexte ne me permet plus de travailler sereinement ». Un autre chorégraphe, Alexei Ratmansky, ancien directeur artistique du Bolchoï et actuellement artiste en résidence à l’American Ballet Theater de New-York dont la famille réside à Kiev, a décidé de quitter Moscou où il travaillait à la création d’une nouvelle production.
La musica unisce il mondo.
L'abbraccio tra il soprano ucraino #LiudmylaMonastyrska e il mezzosoprano russo #EkaterinaGubanova, al termine di #Aida, è un chiaro messaggio di #pace al quale ci uniamo tutti noi del #TeatroSanCarlo.#lacultuaunisceilmondo@MiC_Italia @dariofrance pic.twitter.com/lx094b1gmu— Teatro San Carlo (@teatrosancarlo) February 26, 2022
Les marques de soutien au peuple ukrainien et les appels à la paix se multiplient dans le monde musical
Depuis le début de la crise diplomatique, de nombreux artistes dans le monde entier ont manifesté leur soutien au peuple ukrainien et dénoncé l’intervention militaire russe sur les réseaux sociaux. D’autres ont pris des décisions radicales comme Lars Vogt, qui a annoncé ne plus vouloir « mettre les pieds sur le sol russe » ni collaborer avec des artistes « qui soutiennent ouvertement Vladimir Poutine ». Kirill Petrenko, le directeur musical austro-russe du Philharmonique de Berlin, a annoncé que les représentations de la 2e Symphonie de Gustav Mahler – qu’a dirigé Gustavo Dudamel ce week-end – étaient dédiées « aux personnes touchées par les attaques russes contre l’Ukraine ». L’un des moments forts de cette mobilisation aura certainement été l’émouvante étreinte entre la soprano ukrainienne Liudmyla Monastyrska et la mezzo-soprano russe, Ekaterina Gubanova, à l’issue de la représentation d’Aida de Giuseppe Verdi samedi soir, au Teatro di San Carlo de Naples.
Philippe Gault (avec AFP)