Sécurité : « Les gauches de gouvernement n’ont pas trouvé de réponse » estime Hubert Védrine

Hubert Védrine était l’invité politique de la matinale de Guillaume Durand ce 10 mai 2021, journée anniversaire de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. L’ancien ministre des Affaires Etrangères, qui a été conseiller diplomatique, porte-parole et secrétaire général du premier président socialiste revient 40 ans plus tard sur une élection historique dans l’Histoire de la Vème République Française.

 Hubert Védrine : « en 1981, les problèmes de sécurité et d’immigration, qui se recoupent en partie même s’il ne faut pas les mélanger complètement, n’existaient quasiment pas »

Hubert Védrine a réagi aux tribunes de militaires s’inquiétant du délitement de la France, soutenues par une majorité de Français : « cela exprime une opinion assez répandue dans le corps social, il y a un besoin d’ordre, de sécurité, de maîtrise des flux migratoires, et un besoin renforcé de lutte contre le terrorisme (…) mais il ne faut pas l’interpréter sur un mode putschiste, ces tribunes traduisent un malaise ressenti en première ligne du fait de leur métier (…) il ne faut pas le balayer, cela traduit quelque chose de sérieux dans la société toute entière ».

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Selon l’ancien ministre, les enjeux de sécurité seront bien plus importants en 2022 qu’ils ne l’étaient en 1981, lors de l’élection de François Mitterrand : « en 1981, les problèmes de sécurité et d’immigration, qui se recoupent en partie même s’il ne faut pas les mélanger complètement, n’existaient quasiment pas (…) dans ce sens, le contexte d’aujourd’hui est tout à fait différent ». Cependant, ces problématiques sécuritaires représentent selon lui une des grandes failles de la gauche : « cela a été une des faiblesses de la gauche de gouvernement, non pas qu’il faille s’aligner sur des réponses extrémistes mais il fallait bien trouver une réponse de gauche à cela (…) les gauches de gouvernement en France et ailleurs n’ont pas trouvé de réponse à la demande de sécurité sur le plan physique et culturel, ainsi qu’à la demande de maîtrise de l’immigration ».

 

 2022 : « On ne voit pas la force qui permettrait de rassembler les différents morceaux éclatés » de la gauche d’après Hubert Védrine

40 ans après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand dont le jour d’élection, le 10 mai 1981, restera dans les mémoires du peuple de gauche comme un moment de liesse collective, un épisode qui semble déjà « d’un autre monde » selon Hubert Védrine : « quand on voit la force des images de 1981, l’émotion, l’exultation, on est dans un autre monde, ce jour est déjà un phénomène historique ». Porte-parole et Secrétaire Général de l’Elysée durant la présidence de Mitterrand, Hubert Védrine explique cette joie unique par la nouveauté que représentait la gauche au pouvoir : « en 1981, c’était la première alternance, tout un peuple se dit que tout va changer, depuis cela s’est produit plusieurs fois, il y a donc une accoutumance ». Cependant, une partie de l’électorat de gauche a été déçu par les septennats du premier président socialiste de la Vème République, comme le rappelle Hubert Védrine : « si, à droite, certains en veulent à Mitterrand d’avoir démontré que la gauche pouvait gagner et gouverner aussi bien qu’elle, une partie du peuple de gauche n’a pas assumé le passage à la réalité (…) certains appellent ça la trahison, mais une fois arrivé au pouvoir il faut faire des choix, et chaque décision entraîne des déceptions (…) une partie de la gauche est resté attachée à une gauche de protestation, de contestation, d’invectives ou de dénonciation (…) et la gauche a perdu en cours de route la gauche patriotique de Chevènement ou la gauche sociale de Pierre Mauroy ».

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Selon Hubert Védrine, « Mitterrand avait une telle force de caractère, de conviction et d’entraînement, c’était une sorte d’énorme aimant qui a attiré beaucoup de choses ». Parmi les politiques attirés par le champ magnétique Mitterrand, on retrouve le leader actuel de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon : « c’est assez touchant car il s’est réinventé un Mitterrand pour lui, une sorte de leader latino (…) quand il en parle je suis assez ému (…) mais en terme de stratégie et de tactique c’est autre chose, car Mélenchon va très loin dans un autre sens, qui est de reprendre les aspirations des mouvances populistes et de s’inscrire dans les failles de la gauche de gouvernement qui n’a pas su entendre cela ». La stratégie solitaire et à l’extrême-gauche de l’échiquier politique de Jean-Luc Mélenchon est donc bien différente de celle de François Mitterrand d’après Hubert Védrine, pour qui de toute façon un scénario d’union de la gauche en 2022 semble bien difficile à envisager : « on ne voit pas la force qui permettrait de rassembler les différents morceaux éclatés (…) en 1980 le défi était la relation entre le parti communiste et la gauche non-communiste, ce n’est plus le cas aujourd’hui ».

Rémi Monti

 

 

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