Pédophilie dans l’Eglise : Les témoignages et les chiffres choc de la Commission Sauvé

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Libération publie ce matin le témoignage de Corinne Laemlé à l’occasion de la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, présidée par Jean-Marc Sauvé. Corinne est l’une des quatre victimes interrogées ce matin par le quotidien. Elles ont accepté de partager à visage découvert le souvenir édifiant des abus dont elles ont été les victimes.

« Je me sentais rassurée parce que c’était un homme d’Eglise »

« De mon enfance, je n’ai aucun souvenir de tendresse » explique cette greffière de 55 ans à Libération. Aînée de trois enfants, Corinne a vécu dans la violence verbale et physique d’un père alcoolique. A 11 ans, elle père son grand-père, seule figure familiale qu’elle estime utile de mentionner à Libération. C’est à cet âge qu’elle se tourne vers l’Eglise. A 14 ans, elle chante dans la chorale de la paroisse. Après les répétitions, un prêtre la raccompagne. Tout a commencé, explique-t-elle, par un premier baiser dans la voiture. « Par la suite il m’a invitée chez lui une première fois. Il sentait bon. Son salon était propre. Le tourne-disque jouait une belle musique. Je me sentais rassurée, aussi parce que c’était un homme d’Eglise ».

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Lorsqu’elle raconte ce qui se passait dans la chambre du prêtre de 37 ans, toujours dans le noir précise-t-elle, Corinne a la gorge nouée et le lecteur aussi car chaque détail a son importance. « Il me demandait de me déshabiller et mettait une serviette sous mes fesses pour éviter de salir la literie. Je me suis sentie coupable lorsqu’il a été déçu de ne pas voir de sang sur la serviette ». Je m’arrête là. D’autres témoignages tout aussi poignants font ce matin la une de Libération, de la Croix, du Parisien, du Dauphiné Libéré, du Progrès, du Télégramme ou des Dernières Nouvelles d’Alsace.

 

Entre 1950 et 2020 pas moins de 150 000 enfants ou adolescents auraient été abusés

Cette Commission indépendante est le fruit d’un long processus qui débouche sur ce que Libération appelle des crimes de masse . Après l’éprouvante enquête hier, La Croix titre ce matin Un travail de vérité, résultat de près de trois années d’enquête et d’écoute des victimes. Le Parisien donne des chiffres vertigineux : entre 1950 et 2020 pas moins de 150 000 enfants ou adolescents auraient été abusés, et une estimation minimale évalue à 2900 à 3000 pédo-criminels -des hommes prêtres ou religieux- au sein de l’Eglise catholique en France et ce depuis 70 ans. Face à ces chiffres, Véronique Margron, présidente de la conférence des religieux et religieuse de France, et destinataire du rapport publié aujourd’hui à 9h déclare dans le Parisien « ce rapport sera un choc terrible, cela doit l’être. Et si l’Eglise doit trembler, qu’elle tremble. Et si des pans entiers de l’Eglise devaient disparaître c’est qu’il devaient s’effondrer ».

 

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Le Figaro raconte pour sa part comment ce rapport n’aurait jamais vu le jour si tout n’avait commencé à Lyon avec l’affaire Preynat (un prêtre condamné pour agressions pédophiles NDR), séisme dont le rapport est une réplique qui promet d’être plus violente encore. Dans les pages intérieures de la Croix, le père Etienne Grieu estime que la communauté ecclésiale et les catholiques doivent regarder cette réalité en face : « au milieu de ce qu’il appelle un cataclysme, quelque chose de neuf peut émerger ». Dans Libération Alexandra Swartzbrod n’a pas cette tempérance « si les évêques de France avaient un tant soi peu de respect pour l’autre, au sens de l’individu tel qu’il participe de la société, ils démissionneraient ».

 

Abus sexuels dans l’Eglise : le Pape François a pris le sujet à bras-le-corps et a mené une politique de tolérance zéro.

Et l’éditorialiste va plus loin : « c’est la réaction de l’épiscopat français qu’il va falloir guetter. Elle sera révélatrice de l’état d’esprit du sommet de l’Eglise. L’omerta va-t-elle se poursuivre ou le principe de dignité va-t-il enfin pousser l’Eglise à reconnaitre enfin sa responsabilité ? ». Dans le Parisien, l’écrivain suisse et spécialiste du Vatican Arnaud Bédat rappelle que le Pape François a pris le sujet à bras-le-corps et a mené une politique de tolérance zéro. Sans doute mais quelle lenteur. Même la Croix l’admet, lorsque l’Eglise mène l’enquête toute seule son travail n’est pas crédible. Pourtant à l’étranger les enquêtes se multiplient, dès 1985 aux Etats-Unis à l’initiative du Dominicain Thomas Doyle, mais celui-ci se heurte au mur du silence des évêques américains qui refuseront la mise en place d’une commission qu’enquête nationale. Oui c’est long. Car l’Eglise est ainsi faite, car la justice elle-même est lente. Quant à la remise en question doctrinale de l’église, quant à la remise en question du célibat des prêtres et à la gouvernance elle-même de l’Eglise, les catholiques qui souhaitent une évolution risquent d’attendre encore longtemps.

David Abiker

 

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