Michel-Edouard Leclerc était l’invité de la matinale de Renaud Blanc. Le Président du Comité Stratégique des centres E.Leclerc publie Les essentiels de la République : Comment la Covid-19 a changé la consommation des Français aux éditions de L’Observatoire, un livre dans lequel il évoque la gestion de la crise sanitaire par les politiques et les entrepreneurs ainsi que son impact sur les habitudes des consommateurs.
Michel-Edouard Leclerc : « Le terme non-essentiel est une faute de communication »
Le titre du nouvel ouvrage de Michel-Edouard Leclerc se veut critique du terme « non-essentiel », un des choix sémantiques les plus critiqués du gouvernement : « c’est une faute de communication, les personnes qui l’utilisaient voulaient qualifier des produits, mais c’est devenu une manière de fracturer la société (…) cette expression n’était pas nécessaire, personne ne gagne contre un autre dans cette crise (…) une économie, une société n’est saine que si on considère chacun comme essentiel ».
A lire aussi
Ce concept d’essentialité est devenu le symbole de beaucoup d’erreurs du gouvernement, et l’utilisation de cette expression pour justifier les fermetures d’activités a donc accolé cette notion péjorative de non-essentialité au spectacle vivant, aux librairies ou au monde de la restauration. Michel-Edouard Leclerc critique d’ailleurs dans son livre les absurdités technocratiques qu’a engendrée cette division entre essentiel et non-essentiel, notamment l’interdiction de vente de guirlandes et décorations alors que les magasins avaient le droit de vendre des sapins de noël : « c’est de l’absurdie (…) mais personne ne comprend car tout le monde essaye d’interpréter ces règles au regard des lois sanitaires (…) or on nous interdit de vendre ces produits pour des mesures d’équité vis-à-vis des autres commerces fermés ». Michel-Edouard Leclerc fait aussi état d’un manque de cohérence concernant la vente d’autotests uniquement autorisée en pharmacie : « la société française est hyper-corporatiste et contradictoire (…) En Allemagne ces autotests sont vendus partout, y compris dans les supermarchés, en France il faut un individu diplômé de pharmacie pour les vendre (…) Je ne vois pas ces autotests comme un marché potentiel mais comme une contradiction, s’il en faut des millions pour la société française, il faut élargir les flux de distribution ».
Covid-19 : « La crise est un formidable accélérateur de la digitalisation et du web-commerce » d’après Michel-Edouard Leclerc
Selon Michel-Edouard Leclerc, les Français portent toujours un regard positif sur les grandes surfaces, contrairement aux élites, un a priori selon lui injustifié compte tenu des efforts d’un secteur qui a œuvré à prévenir une pénurie alimentaire au début de la crise sanitaire : « les grandes marques de distribution sont parmi les entreprises préférées des Français (…) ils y viennent souvent et y passent du temps (…) Cependant, le regard des élites a changé, ils ont du commerce une vision très fonctionnelle et nous sommes-là pour réaliser les choses qu’ils édictent (…) pourtant on a montré pendant la crise qu’en une semaine on était capable d’approvisionner les Français sans crise majeure ».
A lire aussi
La crise a été, d’après Michel-Edouard Leclerc, un véritable accélérateur de la digitalisation de l’économie. Les entreprises ont été obligées de se réinventer autant que les clients ont dû modifier leur habitudes de consommation : « on s’est rendu compte que la technologie était une aide. Amazon était hier un ennemi, aujourd’hui on prend le meilleur d’Amazon et on applique ses techniques (…) click and collect, des restaurateurs qui s’allient avec Deliveroo ou Uber eats (…) Chez Leclerc le digital dans la distribution alimentaire s’élève à 11%, une proportion qui est en anticipation de 4 ans sur notre plan de développement ». Cependant, si l’expertise numérique d’Amazon est un exemple à suivre, l’entièreté de son modèle ne doit pas exporté sur d’autres entreprises. Pour Michel-Edouard Leclerc, une marque doit se situer dans la société et l’humain doit rester au centre d’un projet entrepreneurial : « je vais prendre d’Amazon cette expérience du rapport à la technologie et leur maîtrise de la modélisation économique (…) mais une marque doit dire d’où elle parle, où elle achète, comment elle achète et doit être là pour accueillir ses clients (…) c’est d’ailleurs pour ça que nous embauchons 3 000 personnes en plus cette année ».
Rémi Monti