La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants s’est tenue le 16 mai à Paris. Les abus sexuels sur mineurs sont encore un sujet sensible en France mais ce type d’initiatives permet la libération de la parole et d’analyser les manquements du système.
Les enfants sont envoyés dans des procédures qui ne mènent à rien
L’inceste et les violences sexuelles sont des sujets encore tabous qui touchent 160 000 enfants par an. Pour libérer la parole et élaborer des axes de lutte et de prévention, la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) créée en mars 2021 organise une fois par mois des réunions publiques dans toute la France. L’événement fait à chaque fois salle comble. Après Nantes, Bordeaux ou Nancy, la réunion s’est tenue le 16 mai à Paris. Si 200 personnes s’étaient rassemblées, c’est d’abord le silence qui interpelle. Pourtant, petit à petit, des mains se lèvent pour dire ce qui a été si longtemps tu. Ce sont des témoignages d’enfants abusés par un père, un cousin ou un frère. Comme l’histoire de cette femme violée par son oncle, il y a plus de 30 ans : « quand j’en ai parlé à ma mère elle m’a demandé de me taire et mon sang s’est glacé. Cela m’a isolée, pendant très longtemps. Je me suis tue mais je n’ai jamais oublié. Je suis entrée dans le déni. Quand on sort de cela on a le sentiment d’être passé à côté de beaucoup de choses ».
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D’autres personnes témoignent pour dénoncer la défiance et l’incompréhension de la police et de la justice. C’est également le but de cette commission. Selon Edouard Durand, coprésident de la Ciivise, elle permet d’identifier quand la société ne sait pas ou ne veut pas voir ces abus afin de trouver comment s’améliorer : « une victime disait avec colère qu’on envoie sans résultat des enfants dans des procédures. La Ciivise a demandé une mission d’évaluation pour arriver à comprendre le fonctionnement de la chaîne d’intervention, du repérage au traitement judiciaire, afin de consolider cette chaîne. Il est primordial que les procédures aboutissent à une protection de l’enfant ». La commission a publié en mars ses premières recommandations. Elle rendra son rapport final courant 2023. En attendant, elle continuera à écouter les victimes. En 7 mois, elle a reçu 12 000 témoignages.
Elodie Vilfrite
Ecoutez le reportage d’Elodie Vilfrite :