Covid-19 : « Des associations d’endeuillés ont un sentiment de mépris » affirme Emmanuel Hirsch

Emmanuel Hirsch était l’invité politique de la matinale de Dimitri Pavlenko. Le professeur d’éthique médicale à Paris-Saclay cherche encore les responsables d’un troisième confinement trop tardif selon lui. Il regrette également la non-organisation d’un immense colloque national pour redonner le goût démocratique à une population qui attendait selon lui « un acte politique ».

Emmanuel Hirsch : « J’attendais depuis des mois des Etats Généraux pour reconnaître ce que les gens ont vécu »

Emmanuel Hirsch regrette le manque de préparation et l’impression générale de sortie de crise sanitaire que l’exécutif donne à la population, pour des raisons politiques : « On est toujours en pandémie (…) les échéances électorales justifient cette espérance que l’on donne à la société, mais on se retrouve dans la même situation qu’après le premier confinement, on a pas préparé le déconfinement (…) on a une société meurtrie, travaillée de l’intérieur, qui doute de tout ». La solution pour préparer la population française à vivre dans de bonnes conditions démocratiques la sortie de crise selon le professeur d’éthique médicale ? Une grande discussion publique, un immense colloque, dont il donne au gouvernement la charge de l’organisation : « d’un point de vue éthique, le grand malheur est que l’on ait pas fait de retour d’expérience, j’espérais depuis des mois des Etats Généraux pour reconnaître ce que les gens ont vécu et ont créés, car il y a eu beaucoup de créativité en matière de défense des valeurs de la démocratie ». L’abstention record s’explique selon lui par une manière de vivre la vie publique qui ne passe plus par l’élection, car si certains Français n’ont pas estimé utile le fait de voter, ils auraient bien pris le temps pour participer aux Etats Généraux organisés par le gouvernement : « il n’y a pas de déni de démocratie, elle se vit juste autrement (…) la population française attendait qu’il y ait un acte politique après ce que l’on a vécu, et cet acte politique, c’était de la concertation ».

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Emmanuel Hirsch constate un gel démocratique et regrette que l’exécutif n’ait pas pris le temps d’organiser ce grand séminaire de sortie de crise démocratique : « on a désappris à l’ensemble de la population que son avis était pris en compte (…) Pourquoi va-t-on à l’encontre d’une rencontre avec la vie démocratique ? Quand le président a fait sa tournée pré-électorale il y a quelques jours il aurait pu aller à la rencontre de ce qui s’est passé réellement, je constate un formidable besoin d’éthique, une envie de morale (…) si on constate un retour de la droite c’est qu’il y a une exigence de valeurs, de sens, de repères ».

 

 

Covid-19 : « Emmanuel Macron n’a fait aucun mea culpa, il n’y a aucune humilité de sa part » selon Emmanuel Hirsch

Concernant la levée des restrictions, Emmanuel Hirsch estimait de toute façon que le président n’avait pas le choix, mais qu’il ne faut pas pour autant tourner la page du Covid-19 : « Il n’y avait plus d’adhésions aux restrictions (…) On tourne la page, mais ce n’est pas uniquement parce que le Président décide de tourner la page que la page est tournée (…) On est toujours dans cette pandémie, avec des menaces pour les mois qui viennent y compris du point de vue épidémiologique ». Le professeur d’éthique médicale tient notamment pour responsable le gouvernement d’un troisième confinement tardif qui aurait causé 14.000 morts, et confie le sentiment des familles d’endeuillés qui attendaient plus de reconnaissance de leur statut : « je travaillais hier soir avec des associations d’endeuillés qui ont un sentiment de mépris, d’exclusion de ce qu’elles ont vécues de la part de l’attention publique, notamment du chef de l’Etat ».

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Emmanuel Hirsch pointe du doigt les responsables de la mauvaise gestion de la crise sanitaire, et notamment un Président de la République qui aura ignoré le débat publique durant toute la crise : « On voit les conséquences de ses décisions en terme de mortalité mais aussi de morbidité, il y a des personnes hospitalisées qui de manière constante vont vivre avec les conséquences d’un choix politique (…) J’arrive à comprendre qu’on puisse à un moment considérer qu’il y a des intérêts supérieurs comme l’économie ou le bien être social, mais cela doit être discuté, arbitré publiquement, on a pas sollicité le bon sens de chacun d’entre nous (…) mais le Président de la République n’est responsable en rien, n’a fait aucun mea culpa, il n’y a aucune humilité ».

Rémi Monti

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