Éric Zemmour a déclaré sa candidature hier, par une vidéo sur YouTube. Une entrée en campagne réussie ou ratée ?
Un discours « clin d’œil » au Général de Gaulle
Je dirais que c’est une entrée en campagne remarquée, décalée, critiquée. En tous cas, Éric Zemmour a su attirer l’attention de manière originale. Et c’était une nécessité pour lui après les images calamiteuses de Marseille et ce si détestable doigt d’honneur. Alors on peut ironiser sur ce clin d’œil trop appuyé au Général de Gaulle avec ce micro façon BBC en 1940. On peut aussi pointer l’amateurisme de ces images reprises sans autorisation, ou encore s’étonner de le voir lire un texte plutôt que de regarder le spectateur dans les yeux.
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Mais il a su créer une mise en scène inédite qui obligeait à écouter vraiment son texte, soutenu par cet allegretto si connu de la 7e symphonie de Beethoven qui soulignait le caractère grave, inquiétant, dramatique délibéré de son propos. Pour le coup, Éric Zemmour recherchait clairement un propos crépusculaire. Frapper par cette vision sombre et désespérante même.
Cette déclaration de candidature peut-elle le faire remonter dans les sondages ?
Il sait qu’on va lui reprocher de tout peindre en noir. Qu’on va l’accuser de renvoyer à un passé idéalisé et de décrire un présent fantasmé et fait pour faire peur. Mais dans les deux cas, il a une intention très claire. Rappeler le passé, faire défiler les grandes figures, de Jeanne d’Arc à Clémenceau, de Chateaubriand à Voltaire, de Descartes à Alain Delon sans oublier Johnny Hallyday, c’est s’inscrire dans un récit national. Un récit national partiel et non partial, mais malgré tout commun et dont nombre de Français et pas uniquement parmi ses électeurs, gardent la nostalgie.
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Provoquer l’indignation lorsqu’il décrit une France au bord de la guerre civile est un prétexte qui lui permet de dire à ses adversaires : ce qui est grave n’est pas de faire peur en décrivant la réalité, mais d’ignorer une réalité qui fait peur et qui est vécue par bien des Français. Cette déclaration de candidature peut-elle le faire remonter dans les sondages ? Elle intervient à un moment où il baissait et où Marine Le Pen reprenait clairement l’avantage sur lui. Au point qu’on pouvait se demander s’il n’empruntait pas un toboggan fatal. Les choses ne s’inversent pas comme ça. Il faut encore attendre son meeting au Zénith de Paris dimanche. Mais peut-être a-t-il pu donner un coup d’arrêt à une spirale dangereuse pour lui. En tout cas, il est revenu dans le match et l’hommage d’Emmanuel Macron à Joséphine Baker résonnait comme en écho à cette déclaration de candidature. Comme si deux récits nationaux, deux visions nationales se répondaient.
Guillaume Tabard