La campagne présidentielle s’invite au Parlement européen, un moment prévu par Emmanuel Macron ?

Jean-Francois Badias/AP/SIPA

Au Parlement européen, le débat qui a suivi le discours d’Emmanuel Macron a viré au combat de boxe franco-français. Le débat européen a-t-il été détourné à des fins électorales ?

Emmanuel Macron a voulu jouer au président protecteur

Les députés européens de 26 autres Etats membres ont été médusés, et la nouvelle présidente Roberta Metsola a dû rappeler que l’on n’était pas là pour délocaliser la campagne électorale française. La brutalité des orateurs français et la dureté des réponses d’Emmanuel Macron ont donné le sentiment d’un détournement de cette présidence française de l’Union qui commence. Nous n’étions franchement pas au niveau d’un débat élevé sur les enjeux de l’Europe. Mais à qui la faute ? C’est vrai que Yannick Jadot, pour son propre compte, Jordan Bardella pour celui de Marine Le Pen, Manon Aubry pour Jean-Luc Mélenchon ou François-Xavier Bellamy pour Valérie Pécresse ont « cherché » Emmanuel Macron. Mais ne soyons pas naïf : c’est ce qu’il prévoyait et même ce qu’il attendait. Ce n’est pas un secret, le chef de l’Etat faisait de ce discours du 19 janvier le point de bascule lui permettant de passer implicitement, à défaut de le faire explicitement, du temps de la présidence à celui de la campagne. C’est fait.

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Le chef de l’Etat a quand même pu, par ce discours, développer sa vision de l’Europe à partir d’un constat noir et sciemment dramatisé. Emmanuel Macron a construit son discours autour des trois grands thèmes : la démocratie, le progrès et la paix pour démonter à chaque fois, que ces piliers étaient menacés. Menacés en interne par ces fameuses démocraties illibérales qu’il ne cesse de vilipender comme la Pologne ou la Hongrie. Menacés à l’extérieur par les puissances comme la Russie ou par la pression migratoire. Le tableau était très sombre mais en prétendant sauver le projet européen, Emmanuel Macron a voulu jouer au président protecteur. Une partition qu’il cherchera aussi à interpréter en France.

Roberta Mentsola a donné tous les gages qu’elle ne défendrait pas ses propres convictions en tant que présidente du Parlement

On retiendra aussi une annonce : l’inscription du droit à l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’Europe. Pourquoi cette annonce ? C’est le marqueur progressiste par excellence et il en cherchait. Un marqueur qui ne lui coûte pas cher dans la mesure où l’opinion et plus encore, les responsables politiques ont basculé quasi unanimement dans la promotion de l’avortement sans accepter la moindre voix dissonante.

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C’était aussi un petit coup de pied de l’âne à la nouvelle présidente Roberta Mentsola que ses propres députés ont fait élire tout en s’offusquant qu’elle soit pro-vie. Elle a pourtant donné tous les gages qu’elle ne défendrait pas ses propres convictions en tant que présidente du Parlement. Mais même une simple opinion personnelle semble encore trop pour des progressistes qui plutôt que se réjouir de l’élection d’une femme, ne voient que cette opinion-là en ignorant ses autres combats. Pour revenir à Emmanuel Macron, cet engagement était une manière de faire oublier cette élection qu’il avait permise. Voyez, même sous les grands principes, il y a toujours aussi de la petite politique.

Guillaume Tabard

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