Gérald Darmanin arrive aujourd’hui en Corse dans un climat de violence après la tentative d’assassinat en prison d’Yvan Colonna. Qu’est-ce que ce déplacement peut apporter ?
L’agression en prison d’Yvan Colonna a réveillé les récriminations des nationalistes contre l’Etat
Le ministre de l’Intérieur est d’abord celui qui est en charge de l’ordre public donc il vient d’abord pour rétablir le calme et l’autorité de l’Etat. Mais il est aussi en charge des collectivités locales et, depuis l’entrée de Jacqueline Gourault au Conseil constitutionnel, le ministre à qui est confié le dossier corse dans son ensemble, donc y compris dans son volet politique et institutionnel. Et il arrive aujourd’hui avec une offre de taille, une offre spectaculaire même. Il vient dire que le gouvernement est prêt à parler de l’autonomie de la Corse. Une revendication ancienne et traditionnelle des élus corses, mais un tabou jusqu’ici à Paris et en particulier dans la bouche d’Emmanuel Macron. Donc c’est une vrai main tendue par le gouvernement après que Jean Castex a déjà accepté de lever les verrous qui empêchaient le rapatriement sur le sol corse des trois assassins du préfet Erignac.
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On a quand même du mal à voir le lien entre les violences sur place et un projet de nature institutionnelle. Toute la complexité du sujet est là. Il n’y a aucune mansuétude à avoir pour les assassins d’un préfet. Mais la tentative d’assassinat par un codétenu islamiste n’en est pas moins un grave dysfonctionnement. Et cet événement a comme réveillé les récriminations des nationalistes contre l’Etat. Et pour les plus radicaux d’entre eux et qui sont nombreux parmi les plus jeunes, Colonna n’est pas loin d’être érigé en symbole et maintenant presque en martyre de la cause nationaliste.
Mais ce n’est pas à eux directement que le gouvernement cède. L’aspiration à l’autonomie est majoritaire dans la population corse et elle est défendue par des élus démocrates et respectables, comme Gilles Simeoni, le président de l’exécutif insulaire.
L’autonomie de la Corse est désormais la volonté d’une majorité de la population
L’enjeu est là. Soit un dialogue raisonnable se met en place rapidement avec les élus, soit ceux-ci seront dépassés par des militants radicaux et violents qui tenteront d’arracher l’indépendance par la force. C’est en ça que le retour à l’ordre et les avancées politiques sont liées. En tous cas, parler d’autonomie est une volte-face de la part d’Emmanuel Macron, même s’il avait voulu inscrire une forme de reconnaissance de la spécificité corse dans la Constitution. Mais quand il était venu sur place, il y a quatre ans, il avait dit non à toutes les demandes de Gilles Simeoni, et il était venu accompagné de Jean Pierre Chevènement, héraut de la ligne républicaine la plus intransigeante.
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Je pense que Macron depuis son élection a minoré deux faits importants. Le premier c’est que la revendication nationaliste n’était plus le fait d’une minorité d’activistes mais désormais la volonté d’une majorité de la population. Et le second, c’est qu’au sein de cette mouvance nationaliste, les autonomistes de Simeoni avaient pris un ascendant écrasant sur les indépendantistes de Talamoni. Ce qui était une chance qu’il n’a pas su ou pas voulu saisir. Pour que la loi de la rue ne l’emporte pas sur la voix des urnes, il faut maintenant rattraper le temps perdu. C’est l’objet de ces deux jours de déplacement de Gérald Darmanin.
Guillaume Tabard