Avec un discours de trente minutes à la télévision Emmanuel Macron a-t-il fait une intervention sanitaire ou une intervention politique hier soir ?
Emmanuel Macron à fait deux annonces auxquelles personne ne s’attendait
C’est un prétexte sanitaire avec des arrière-pensées politiques. Bien sûr, Emmanuel Macron a d’abord parlé du Covid pour annoncer ce que l’on pressentait à savoir, l’obligation d’une troisième dose pour conserver le pass sanitaire pour les plus de 65 ans dans un premier temps. Si on compare ses interventions, le sujet du Covid avait occupé plus de la moitié du temps de parole dans celle du 12 juillet, tandis que dans l’allocution d’hier, le sujet n’était consacré qu’à moins d’un tiers de son temps de parole. En fait le chef de l’Etat souhaitait saisir ce rendez-vous pour faire deux annonces auxquelles, pour le coup, on ne s’attendait pas : la suppression des allocations chômages pour ceux qui ne rechercheraient pas sérieusement ou pas assez activement un emploi. Ainsi que le lancement de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
A lire aussi
Ces deux annonces ont un caractère politique parce qu’elles indiquent la tonalité que le président veut donner en fin de mandat afin de préparer la campagne du futur candidat. Et dans les deux cas, c’est un cap à droite. La suspension des allocations chômage est une mesure qui se veut à la fois spectaculaire et autoritaire pour dire non à l’assistanat et traquer les comportements abusifs. C’est également pour sortir du scandale du décalage entre un nombre de chômeurs encore important et un nombre d’emplois non pourvus encore plus important. C’est le type même de la mesure qu’on entend applaudie dans les meetings de droite et qui suscite l’indignation à gauche. C’est ce que Macron recherche. C’est la même chose sur le nucléaire. Lundi soir, au débat de la primaire LR, tous les candidats ont défendu résolument la filière nucléaire. Le lendemain, le président va dans leur sens, mais avec une décision concrète. Ça n’est pas non plus un hasard. Avec l’EPR, on voit bien que ce ne sont pas les électeurs écolos que Macron drague.
Emmanuel Macron a tout à gagner à se retrouver face à Éric Zemmour ou Marine Le Pen
Travail, innovation, nucléaire, droits et devoirs, une pincée de sécurité même. Les mots du président étaient faits hier pour être agréable à des oreilles LR. On voit la logique. Il n’a rien à craindre d’une gauche émiettée, et tout à gagner à se retrouver le 24 avril prochain face à Éric Zemmour ou Marine Le Pen.
A lire aussi
La stratégie reste la même : chercher à étouffer la droite au moment où elle redresse la tête. Sur les retraites, en revanche, il reporte la réforme et cela ne plaira pas à la droite. C’est toute l’ambivalence de son exercice. A la fois il décrit une réforme des retraites, avec un report de l’âge légal, que tous les candidats LR pourraient signer. Mais en même temps il prend prétexte de la crise sanitaire qui dure pour la reporter au lendemain. Avec cet autre paradoxe : s’il veut la faire plus tard, il faut bien qu’il dise qu’il briguera un second mandat. Ce qu’il se refuse encore à faire mais que chacun a déjà compris.
Guillaume Tabard