Certains surnommaient Mirella Freni la « Prudentissima » en raison de sa prudence pour ménager sa voix, mais c’est « Mimi » qui lui convient le mieux ! Elle fut en effet une incomparable Mimi dans La Bohème de Puccini, qu’elle chantera toute sa carrière. Amie d’enfance de Pavarotti, il sera son Rodolfo jusqu’en 1996 pour le centenaire de la création de l’œuvre.
Mirella Freni en 10 dates :
- 1935 : Naissance à Modène
- 1957 : Début dans Mimi à Modène
- 1963 : Triomphe dans La Bohème à la Scala de Milan
- 1971 : Amelia de Simon Bocanegra à la Scala de Milan
- 1973 : Susanna des Noces de Figaro à Paris
- 1979 : Aida à Salzbourg
- 1983 : Manon Lescaut à San Francisco
- 1994 : Adriana Lecouvreur à Paris
- 2005 : Dernière scène à Washington dans La Pucelle d’Orléans
- 2020 : Mort à Modène
De famille modeste, elle chante dès l’âge de dix ans.
Son père est barbier et sa mère ouvrière dans une usine de tabac. Elle partage la même nourrice avec un certain Luciano (Pavarotti) né quelques mois après elle. Elle se fait remarquer à 10 ans en remportant un radio crochet, puis étudie au conservatoire de Bologne. Son premier rôle est Micaela dans Carmen de Bizet au théâtre de Modène. Ce sera ensuite Mimi, toujours dans sa ville natale, avant de remporter le concours Viotti et de conquérir le monde.
La Scala de Milan pour le meilleur et pour le pire !
C’est dans son rôle fétiche de La Bohème que Mirella Freni séduit le difficile public milanais, sous la direction de Karajan en 1963. Et c’est aussi à la Scala qu’elle essuie peu après, en décembre 1964, son plus douloureux échec dans La Traviata, toujours avec Karajan. Sans doute le rôle de Violetta ne lui convenait pas. Elle retrouvera le succès à la Scala dans La Fille du régiment de Donizetti puis dans Simon Bocanegra avec Claudio Abbado.
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New York lui fait un triomphe pour Mimi et Paris pour Susanna.
Le Metropolitan Opera l’ovationne en 1965 dans La Bohème, puis Karajan l’invite à Salzbourg pour Desdémone de l’Otello de Verdi. Il renouvellera son invitation à plusieurs reprises, appréciant particulièrement la soprano italienne et lui confiant des rôles nouveaux pour elle comme Elisabetta de Don Carlo et Aida. Jusqu’à ce qu’elle lui refuse le rôle-titre de Turandot. A Paris la mise en scène des Noces de Figaro par Giorgio Strehler lui offre un succès exceptionnel dans le rôle de Susanna. Ce qui ne sera pas tout à fait le cas avec le Faust controversé de Jorge Lavelli en 1975.
Elle continue sa carrière aux Etats-Unis dans les années 1980.
C’est souvent à New York, San Francisco ou Chicago que se produit sur scène Mirella, dans Manon Lescaut (l’air final «Sola perdutta, abbandonata » enregistré en 1984 montre bien toutes ses qualités vocales), Eugène Onéguine ou Adriana Lecouvreur. Mariée en secondes noces à la basse bulgare Nicolaï Ghiaurov, avec lequel elle chante très souvent, elle se tourne alors vers le répertoire russe qu’elle n’avait pas encore abordé, sans oublier de revenir régulièrement à ses rôles favoris.
Sa dernière prestation est à Washington dans La Pucelle d’Orléans de Tchaikovsky.
L’Opéra Bastille l’accueille pour Adriana Lecouvreur fin 1993, et d’après les témoins ce fut un délire dans la salle. Elle chante encore Mimi pour le centenaire de la création de La Bohème à Turin en 1996. L’année de ses 70 ans, elle met fin à sa carrière lyrique en chantant à Washington un opéra peu connu de Tchaikovsky, La Pucelle d’Orléans. Son mari est décédé l’année précédente et elle se tourne désormais vers l’enseignement dans son académie de chant créée à Modène.
Son décès intervient à Modène en février 2020.
Une maladie dégénérative assombrit la fin de sa vie, qu’elle aurait méritée plus paisible. Ses nombreux enregistrements et vidéos témoignent heureusement de son talent et de sa force d’émotion, l’air de Mimi du premier acte de La Bohème restant pour toujours la référence absolue. On peut dire qu’il y a eu une parfaite osmose entre le rôle créé par Puccini et la « morbidezza » (voix souple et moelleuse) de Mirella, sans parler de son jeu sur scène.
« Mi chiamano Mimi » de La Bohème de Puccini
Maria Callas l’a enregistré mais ne l’a jamais chanté sur scène, beaucoup d’autres sopranos remarquables l’ont interprété, mais « la Freni » avait quelque chose en plus pour ce rôle de grisette, sans doute en partageait-elle, outre le prénom diminutif, l’origine modeste et la sensibilité.
Philippe Hussenot