L’Adagio d’Albinoni est l’un des morceaux les plus connus et les plus populaires de la musique classique mais c’est aussi un mystère : son origine est très difficile à établir. Je vous raconte son histoire dans ce nouvel épisode de Retour Vers le Classique.
L’épisode :
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L’Adagio d’Albinoni : un incontournable du cinéma et de la chanson
Depuis soixante ans, on peut entendre ce morceau dans de nombreux films : dans Le Procès d’Orson Welles en 1962 ; dans Rollerball, film de science-fiction qui invente un sport ultra-violent ; dans le film de guerre Gallipolli ; dans des comédies françaises et plus récemment dans le drame Manchester by the sea. Cette utilisation récurrente en a fait un cliché associé aux moment de tristesse.
La version utilisée dans le film Rollerball en 1975, dirigée par André Prévin :
Dans la musique aussi la liste est longue : l’Adagio d’Albinoni a été repris dans des genres très différents par Tino Rossi, Nana Mouskouri, Mireille Mathieu, Lara Fabian, les Doors, par le guitariste Yngwie Malmsteen... Il y a même eu une version rap dans le précédent épisode de ce podcast.
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Tomaso Albinoni n’a pas composé l’Adagio d’Albinoni !
Tomaso Albinoni est un musicien qui a vécu à Venise de 1671 à 1751. Beaucoup de ses œuvres ont été perdues dans le bombardement de la ville de Dresde, en Allemagne en 1945. Un musicologue italien refuse d’y croire : Remo Giazotto, biographe du compositeur. Il se rend dans les ruines de la bibliothèque de Dresde et y trouve un petit fragment de papier contenant quelques notes d’Albinoni. Il s’en sert pour composer une œuvre originale, publiée en 1958 : l’Adagio d’Albinoni.
Le véritable compositeur de cette pièce n’est jamais caché : le nom de Giazotto est clairement mentionné sur la partition, baptisée officiellement « Adagio en sol mineur sur deux extraits thématiques et une basse chiffrée de Tomaso Albinoni par Remo Giazzotto”. Le musicologue aurait souhaité faire connaître le musicien dont il était spécialiste.
Il est clair que Giazotto a écrit la pièce mais le doute subsiste sur la réalité des quelques notes qui ont servi de base, prétendument composées par Albinoni : personnes n’a jamais vu ce fameux fragment. Giazzotto n’a pas publié ce qu’il aurait découvert dans les ruines de Dresde avant sa mort en 1998. Les discussions continuent mais le mystère ne sera sans doute jamais éclairci.
Il est probable que le musicologue ait tout écrit lui-même et il a pu s’inspirer de plusieurs morceaux qui contiennent de courts passages ressemblant au thème de l’Adagio : le premier mouvement du Concerto pour Cor numéro 4 de Mozart ; le Concerto pour Alto de Carl Stamitz ; le troisième mouvement de la Sonate pour Piano numéro 31 de Beethoven ou encore du deuxième mouvement du Trio pour Piano numéro 33 de Louise Farrenc, compositrice romantique.
Si le flou perdure alors que dès le début le nom de Giazotto est sur la partition, c’est peut-être parce que le public est habitué mais aussi car il est plus attirant pour les maisons de disques de mettre le nom d’Albinoni sur la couverture de leurs disques plutôt que celui d’un musicologue italien.
La contrefaçon musicale : un exercice intellectuel plutôt qu’une manœuvre pour s’enrichir
Contrairement à d’autres discipline artistiques comme la peinture, la contrefaçon est peu répandue dans la musique, notamment parce qu’il est difficile pour les artistes de s’enrichir avec des œuvres attribuées à des compositeurs tombés dans le domaine public. Il y a toutefois des exemples amusants comme le Concerto pour violon Adélaïde de Wolfgang Amadeus Mozart qui a été joué par l’un des plus grands violonistes du XXème siècle, Yehudi Menuhin :
Mais cette prétendue partition de jeunesse de Mozart, qui aurait été perdue puis retrouvé par le musicien Marius Casadesus dans les années 1930 est en réalité une supercherie entièrement composée par Casadesus. Son frère Henri Casadesus a lui signé, entre autres, des concertos pour alto attribués à Handel ou à Carl Philipp Emanuel Bach. Il s’agit pour eux d’un exercice intellectuel et d’une façon de se moquer des critiques qui se laissent prendre au piège. A la même période, le violoniste Fritz Kreisler mystifie lui aussi les musicologues avec des fausses compositions comme un concerto pour violon qui aurait été écrit par Vivaldi.
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Augustin Lefebvre