Les Danses Polovtsiennes d’Alexandre Borodine : quand la Russie révèle sa part orientale

Les Danses Polovtsiennes de Borodine incarnent pour l’Europe de la fin du XIXe siècle un certain exotisme oriental. Extraites de l’opéra Le Prince Igor, elles assurent le succès aux Ballets russes de Diaghilev au début du XXe. Mais Borodine n’aura jamais vu son oeuvre acclamée.

Borodine n’eut pas le temps d’achever Le Prince Igor, débutée dès 1869 et qui allait devenir l’une des partitions emblématiques de la musique russe

À la disparition du compositeur, en 1887, l’opéra se trouvait encore à l’état de fragment. Alexandre Glazounov se chargea de poursuivre le travail notamment pour l’ouverture. Quant à Rimski-Korsakov, il orchestra tout ce qui ne l’avait pas été. Des années plus tôt, en 1878, Borodine s’était lancé dans cet immense ouvrage et comme à son habitude, il était en retard, n’ayant orchestré que quatre airs ainsi qu’un concert de fête. Il devait y ajouter des Danses Polovtsiennes ainsi qu’un chœur final dont il avait promis la livraison à l’Ecole libre de musique de Saint-Pétersbourg. Dans ses Chroniques de ma vie musicale, Rimski-Korsakov évoque l’absence d’organisation de Borodine qui fît appel à ses amis pour achever la partition : « Borodine se présenta un soir chez moi, apportant avec lui la partition pour piano des Danses à laquelle il avait à peine touché. Tous les trois, avec Anatole Liadov, nous nous sommes mis à la disséquer et à l’orchestrer en grande hâte. Afin de gagner du temps, nous écrivions au crayon et non pas à l’encre. Nous avons donc travaillé tard dans la nuit. Borodine couvrait les pages de gélatine liquide pour garder intactes nos écritures et pour que les feuilles sèchent plus rapidement. Il les suspendait comme du linge sur des fils dans mon bureau ».

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Les Danses furent données séparément de l’opéra, le 27 février 1879 sous la direction de Rimski-Korsakov.

Quant à l’opéra Le Prince Igor, il fut créé en 1890, trois ans après la disparition du compositeur. Les Danses Polovtsiennes ne sont pas un simple divertissement : elles concluent magnifiquement le deuxième acte polovtsien de l’opéra. Igor est alors détenu à la cour de Khan Kontchak. Il est un prisonnier choyé car c’est pour lui qu’on organise les Danses polovtsiennes, un interlude éclatant, qui met au premier plan les percussions et les clarinettes. Les danses suivent si habilement le synopsis de l’opéra que Fokine réalisa à partir de ce matériau une chorégraphie destinée aux Ballets Russes de Diaghilev. Celle-ci fut présentée à Paris en 1909 et eut un retentissement fabuleux sur les compositeurs français de l’époque. Les parties enchaînées des danses composent en effet la fresque médiévale d’un opéra épique : Danse des jeunes filles, Danse des hommes, Danse collective, Danse des garçons et Danse finale.

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Les Danses Polovtsiennes de Borodine incarnaient à la fin du XIXe siècle l’exotisme oriental. La rudesse des harmonies offraient un Orient barbare, étrange et séduisant. En effet, au XIIe siècle, le peuple Polovtsien symbolisait une menace pour la Russie. Bien plus tard, Serge Prokofiev se souvint de ces passions exacerbées sur fond de drame “politique”. Alexandre Nevski poursuivit ainsi la quête du Prince Igor.

 

Stéphane Friédérich

 

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