La Sonate « Clair de Lune » de Beethoven : toute la poésie de l’imaginaire romantique

La Sonate pour piano n°14 de Beethoven ne prit son surnom “Clair de lune” qu’en 1852 ! Inspirée par un amour malheureux, elle manifeste l’originalité d’un tempo lent pour le mouvement initial.

« On parle toujours de la Sonate en ut dièse mineur ! En vérité, j’ai écrit des choses bien meilleures comme la Sonate en fa dièse majeur [n°24]. C’est autre chose ! » aurait affirmé Beethoven à Carl Czerny

La Sonate n°14 en ut dièse mineur fut composée entre 1800 et 1801. La passion du compositeur pour l’une de ses élèves, la comtesse Giulietta Guicciardi, liée à la famille des Brunsvik, semble avoir été l’élément déterminant de son inspiration. Âgé de 31 ans, Beethoven était moins conscient de la différence d’âge – la jeune fille était de quinze ans sa cadette – que de la différence de milieu. La mère de la jeune femme envoya un cadeau qui mit en rage Beethoven. S’estimant humilié, il rompit aussitôt et dédia toutefois la sonate à la jeune comtesse… Afin de lui prouver son indéfectible attachement !

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Les expressions qui traversent cette Sonate peuvent s’analyser de la manière que l’on veut : « on y trouvera le contenu que l’on y attend » précisa le compositeur

La préoccupation de Beethoven était liée au langage musical et non pas à la traduction sonore d’une passion outragée qu’il tentait d’oublier. Cet idéal artistique se traduit par un premier mouvement lent, ce qui est relativement inhabituel dans une sonate. Bien qu’il ne puisse être rattaché à aucune forme musicale précise, cet « Adagio sostenuto » en ut dièse mineur demeure l’une des pages les plus célèbres du compositeur. Son interprétation fait appel à un dosage des plus délicats de la pédale. L’indication précise sur le manuscrit est révélatrice : « On doit jouer toutes cette pièce avec la plus grande délicatesse et sans sourdine ». L’ostinato fluide, la nuance double piano, l’emploi du registre grave du clavier évoque le souvenir de quelque prélude de Bach.


Le 1er mouvement de la Sonate « Clair de lune » (Wilhelm Kempff)

 

Après cette sorte de marche funèbre, l’Allegretto suivi d’un Trio parait d’autant plus surprenant qu’il prend la place d’un mouvement lent. Il est “Attaca subito”, rompant avec l’idée de solitude affirmée dans l’adagio. Cette danse légère, qui tient à la fois du scherzo et du menuet, joue sur de brèves accélérations. Elle n’est en rien anodine car le rythme dissimule à peine les dissonances, une marche claudicante qui prépare au final.

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Presto agitato, le final est en ut mineur. Sa durée est égale aux deux mouvements précédents. L’emploi rigoureux de la pédale assure une ampleur considérable aux traits ascendants ponctués d’accords sforzando. Pour autant, le flot du premier des trois thèmes est contenu par l’agitation d’une seconde idée musicale d’une veine lyrique. Le troisième thème possède un caractère d’urgence encore plus marqué. Il s’exprime par les motifs répétés à l’envie et un chant concentré dans les parties hautes du clavier.

 

Les poètes du XIXème siècle affublent la sonate d’un surnom : « Clair de lune »

Un essai littéraire de Wilhelm von Lenz en attribua l’idée au poète Ludwig Rellstab (1799-1860). « Clair de lune » : un titre romantique dont allait s’emparer les écrivains du XIXème siècle. Pourtant Beethoven avait déjà donné une mention à sa pièce : “Sonata quasi una Fantasia ». Seulement sa sonate précédente (op.27 n°1) portait déjà ce nom ! « Clair de lune » permettait donc dorénavant de les différencier.

 

Stéphane Friédérich

 

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