Giselle, un ballet romantique

Giselle continue de faire rêver des générations de danseurs et d’amateurs de danse classique. Il est devenu l’emblème du ballet romantique, avec ses longs tutus blancs et son histoire d’amour impossible.

L’histoire de Giselle raconte un amour impossible, qui dure par-delà la mort dans un monde fantastique

Giselle est une paysanne, qui vit avec sa mère dans une petite maison à la campagne (décor du premier acte). Hilarion, le garde-chasse, est amoureux d’elle. Mais elle lui préfère un beau jeune homme rencontré récemment. Hilarion, poussé par la jalousie, lui révèle que le mystérieux jeune homme n’est autre qu’Albrecht, un duc déjà fiancé à une jeune fille de la noblesse. Le choc est trop rude : Giselle sombre dans la folie avant de tomber morte. Cependant, Albrecht est réellement amoureux de Giselle. Il se rend sur sa tombe, près d’un lac au bord de la forêt (décor du deuxième acte). Les willis l’entourent. Elles veulent sa perte pour venger Giselle et se venger elles-mêmes. Car les willis sont les fantômes de jeunes filles trahies par leur amoureux avant leurs noces. Elles apparaissent la nuit et forcent les hommes à danser jusqu’à mourir d’épuisement.

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Ainsi ont-elles déjà tué Hilarion, venu se lamenter en ces lieux peu avant Albrecht. Giselle, devenue malgré elle une willi, s’interpose en faveur de son bien-aimé et le protège en dansant avec lui jusqu’à l’aube. Dernier tête-à-tête amoureux (et l’occasion d’un magnifique pas de deux) avant que les premières lueurs ne fassent disparaître les fantômes, et Giselle avec eux. L’amour par-delà la mort, la folie, la femme rédemptrice, le recours au fantastique issu de légendes, la jeune fille naïve et exaltée de santé fragile, sont autant de thèmes qui ancrent l’argument de ce ballet dans le romantisme.


Giselle, Acte II, Pas de deux, chorégraphie de Petipa (Natalia Osipova and Carlos Acosta, The Royal Ballet)

 

Qui est Adolphe Adam, le compositeur de la musique de Giselle ?

L’idée d’un ballet sur les willis germe dans l’imagination de l’écrivain Théophile Gautier en lisant De l’Allemagne de Heinrich Heine. “Quel joli ballet on ferait avec ça !” s’exclame Théophile Gautier. Il demande alors l’aide du dramaturge Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges pour l’argument. Adolphe Adam se charge de la musique. Celui-ci s’est déjà illustré dans un autre ballet en 1836, La jeune fille du Danube. Il connaît donc les contraintes musicales propres au genre. Fils d’un professeur de piano, élève de Boieldieu au Conservatoire de Paris et Second Prix de Rome en 1825, Adolphe Adam s’oriente d’abord vers l’opéra-comique. Le Postillon de Longjumeau est sans doute son plus grand succès lyrique. En 1840, il compose la Marche funèbre pour le retour des cendres de Napoléon inhumé aux Invalides. Ce n’est donc pas un inconnu lorsqu’on lui confie la composition de Giselle. Cette musique suscitera l’admiration de Tchaïkovsky et même – plus inattendu – de Saint-Saëns, qui lui trouve des qualités de symphoniste dans la tournure des thèmes et l’instrumentation. Le lyrisme de ses motifs musicaux inscrit en outre Adam dans le romantisme. Giselle restera l’œuvre la plus connue de sa production, éclipsant un autre ballet écrit quelques années plus tard : Le Corsaire. Adam avoue aimer écrire pour le ballet et “chercher l’inspiration en regardant les pieds des danseuses”.

Carlotta Grisi, créatrice du rôle de Giselle en 1841

 

Les costumes de Giselle en font le sommet du ballet romantique

Au-delà de l’argument ou de la musique, ce qui fait bien souvent de Giselle l’apogée du ballet romantique dans l’imaginaire du public, ce sont ses tutus ! Ceux-ci prennent la forme d’une jupe qui superpose plusieurs couches de tulle (ou de tarlatane, de mousseline etc. selon l’effet souhaité) et qui est fixée à la taille d’un justaucorps. Au début du XIXème siècle, la longueur du tutu arrive à la cheville de la danseuse et le justaucorps est pourvu de petites manches. La Sylphide, représenté en 1832, va généraliser ce modèle du “tutu romantique”. Au fil du temps, les manches disparaissent, et le tutu va progressivement raccourcir et se rigidifier, jusqu’à devenir le “tutu plateau” généralement utilisé pour Le Lac des cygnes. La longueur et la fluidité du tutu romantique en fait un accessoire idéal pour suggérer le monde évanescent des willis. La couleur est bien-sûr aussi un facteur important dans la recherche de l’atmosphère. Les vingt-quatre danseuses en blanc qui apparaissent en ligne au deuxième acte de Giselle, contrastent avec les costumes colorés du premier acte, qui lui se passe dans la vie réelle. La Bayadère de Petipa/Noureev se souviendra de l’effet saisissant de “l’acte en blanc” de Giselle : le “royaume des ombres” de l’Acte III reprendra le même principe.

Le tutu romantique : la ballerine star Marie Taglioni, entourée de Lucille Grahn, Fanny Cerrito, et Carlotta Grisi

Elisabeth Platel a été nommé étoile après une représentation de Giselle

En 1981, Elisabeth Platel danse le rôle de Giselle à l’Opéra de Paris. A l’issue du spectacle, la Première danseuse est nommée étoile ! Elle a redansé le rôle par la suite, à Paris et à l’étranger, d’une manière chaque fois différente au fur et à mesure que se développait sa “maturité artistique”, pour reprendre son expression. Car Giselle est un rôle terriblement exigent pour les danseuses – on peut d’ailleurs en dire autant de ceux d’Albrecht ou d’Hilarion. A la pure technique de danse classique sur pointes, il associe une grande expressivité théâtrale. Il faut être capable de passer de la joie à l’inquiétude, parfois rapidement, et savoir montrer sur scène la folie. La pantomime tient une place très importante dans ce ballet. La danseuse doit donc se faire actrice.

 

Giselle, Acte I, scène de la folie (Laëtitia Pujol, Opéra de Paris)

 

Le succès de Giselle transporte le ballet en Russie… avant de revenir en France 70 ans plus tard avec les Ballets russes de Diaghilev

L’atmosphère vaporeuse et irréelle du deuxième acte de Giselle a beaucoup contribué à l’immense succès du ballet, et ce dès sa création le 28 juin 1841. Jean Coralli, Premier maître de ballet de l’Opéra de Paris, est alors officiellement cité comme chorégraphe, mais en réalité il a laissé le danseur Jules Perrot régler la plupart des scènes. Carlotta Grisi, la compagne de ce dernier, subjugue le public dans le rôle de Giselle. Le ballet ne tarde pas à s’exporter à l’étranger. Marius Petipa, dont le frère Lucien a créé le rôle d’Albrecht, le fait danser en Russie en révisant la chorégraphie. Le ballet devient un incontournable du répertoire russe, si bien que lorsque Diaghilev débarque à Paris, il présente Giselle pour sa saison de 1910. Les pas ont été revus par Fokine, et les décors sont signés Alexandre Benois. De nombreux chorégraphes se sont ensuite intéressés à Giselle, à commencer par Serge Lifar en 1932, qui danse lui-même le rôle d’Albrecht. Une autre vision de l’œuvre a été très remarquée en 1982, avec la création à Stockholm de la chorégraphie de Mats Ek. La réflexion sur le psychisme y est poussée plus loin, et Giselle y finit dans un hôpital psychiatrique. En 1991, Patrice Bart et Eugène Polyakov retravaillent le ballet à partir de la chorégraphie d’origine. C’est souvent cette version que présente aujourd’hui l’Opéra de Paris.

 

Sixtine de Gournay

 

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