Les 24 Préludes (1940) de York Bowen sont une œuvre majeure à mettre sur le même plan que les recueils similaires de Frédéric Chopin, Serge Rachmaninov et Dimitri Chostakovitch. Lui-même pianiste de stature, l’auteur reste fidèle au grand style romantique tout en faisant preuve d’une imagination harmonique subtile, inclinant vers de savoureuses et " impressionnistes " configurations d’accords. Certains préludes sonnent comme des blues et s’apparentent à Gershwin, d’autres se rapprochent des Russes ; partout plane l’ombre de Chopin dont Bowen était un remarquable interprète. S’affirment tour à tour quatre pôles d’inspirations habituels à l’auteur : héroïsme grandiose, lyrisme raffiné, fantaisie capricieuse et teintée d’humour, et déploiement d’une virtuosité étincelante, à la mesure de ce " vieux lion " du piano (un surnom donné par la critique). Ce monumental corpus est resté dans l’oubli aux temps de la dictature sérielle. En 1993, Marie-Catherine Girod a donné le coup d’envoi du " retour à Bowen " en en signant une excellente gravure, bientôt suivie par Stephen Hough et Joop Celis. Cristina Ortiz surclasse largement ces devanciers : sa vibrante sensibilité s’impose au travers d’un rubato étroitement synchronisé aux inflexions du sentiment. Sa riche palette de nuances cultive une beauté sonore d’autant plus intense qu’elle adopte un tempo giusto assez modéré pour faire ressortir les riches ornementations – en quoi elle retrouve la manière de Bowen lui-même, qui grava six de ces Préludes pour Lyrita en 1961. En complément de programme : de fluides " romances sans paroles ", telle l’exquise Berceuse dont Cristina Ortiz assume la délicatesse fragile et la préciosité de porcelaine avec une insurpassable perfection. Un ravissement pour l’oreille et pour le cœur.
YORK BOWEN, LE RACHMANINOV ANGLAIS
Radio Classique
Un panorama complet de l’œuvre pianistique de Bowen : voilà ce que propose le label Grand Piano, des savoureux "Préludes" à l'exquise "Berceuse".