Le 29 juin marque la fin du gigantesque procès des attentats du 13 novembre 2015. Catherine, une rescapée du Bataclan, a traversé ces 10 mois d’audience grâce au dessin et à la bande dessinée. Elle nous explique comment cet art lui a permis de prendre du recul sur les témoignages auxquels elle assistait, et comment elle espère se reconstruire une fois le verdict rendu.
« Le dessin est un moyen pour moi de me mettre dans la peau d’un dessinateur plutôt que d’une victime qui se morfond »
Clap de fin aujourd’hui pour le procès fleuve des attentats du 13 novembre 2015. Le délibéré est attendu, probablement ce soir. Les 20 accusés risquent jusqu’à la perpétuité incompressible. C’est le cas pour le principal d’entre eux, Salah Abdeslam, seul survivant des commandos de cette tragique nuit qui a enlevé la vie à 131 personnes. La dernière page d’un procès historique, par sa longueur et par le nombre de victimes concernées. Pas moins de 330 avocats et 1800 parties civiles se sont relayés sur les bancs de l’ancien palais de justice, pendant 10 mois. Catherine, rescapée du Bataclan, a été au cœur des audiences. Elle a suivi le procès, réfugiée dans ses bulles. En effet, après les attentats, elle s’est plongée dans le dessin de BD. Une façon pour elle de s’exprimer mais également de se protéger. Elle avait publié en 2018 une BD Chroniques d’une survivante aux éditions de la Martinière.
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Dessiner, c’est un moyen de ne pas craquer face aux provocations des accusés, mais aussi face aux récits méthodiques et froids des enquêteurs : « dans la salle d’audience, on ne peut pas prendre de photo ni enregistrer les discussions. Comme on a le droit de dessiner, j’en ai profité au maximum. C’est un moyen pour moi de me mettre dans la peau d’un dessinateur plutôt que d’une victime qui se morfond ». Ses croquis les plus précieux sont les portraits des victimes qui ont défilé à la barre. Chacun accompagné d’une unique bulle et d’une une phrase clé. C’est la mémoire de ces récits parfois lyriques, souvent durs mais toujours émouvants : « je me suis rendu compte qu’en associant une phrase-clé du témoignage des victimes avec leur portrait, cela renforçait le message ».
« Le seul fait que Salah Abdeslam ait essayé de se défendre est une petite victoire »
Catherine appréhendait les réactions de Salah Abdeslam. Pourtant, le principal accusé s’est montré étonnamment coopératif, répondant à plusieurs reprises aux questions de la cour : « Salah Abdeslam a dit des choses assez abjectes. Mais en vérité, il se défendait comme il le pouvait. Le seul fait qu’il ait essayé de se défendre est une petite victoire ». Après 10 mois d’audiences, Catherine attend donc, impatiente, le délibéré de ce soir. Au-delà des peines prononcées, ce sera surtout, pour elle, l’occasion de se délester un peu du poids de son vécu : « cela va acter un moment-clé de ma reconstruction. Je vais pouvoir sortir un peu de ce statut de victime et me dire que justice a été faite « . Bien sûr, elle continuera à voir les autres rescapés. Ils se le sont promis. Mais après 10 mois de procès, elle l’espère, ils ne parleront plus de vies brisées, mais de celles à reconstruire.
Eric Kuoch
Ecoutez le reportage d’Eric Kuoch :
Dernier jour des réquisitoires aujourd'hui #13novembre pic.twitter.com/Zhv6I48xCK
— Catherine Bertrand o/ ?? (@cathbertrand5) June 10, 2022