Emilie Delorme, directrice du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, s’est confiée au micro de Laure Mézan à propos de la drôle d’année que vivent les étudiants de l’institution. Entre l’impossibilité de suivre des cours en présentiel, l’envie des élèves de « retrouver leurs vies d’étudiants et de musiciens » et la détresse psychologique de certains, Emilie Delorme dresse le constat de la vie d’un conservatoire chamboulé par le Covid-19.
Emilie Delorme : « Il est absolument essentiel de pratiquer en orchestre, de travailler un son collectif »
Emilie Delorme admet que « l’on ne peut pas enseigner la musique en ligne comme on l’enseigne en présentiel », ainsi, la crise du Covid a été l’occasion de développer de nouveaux contenus de cours : « des moments d’échanges collectifs, de réflexions sur la gestion du stress, de la façon d’aborder un programme, du sens des différents répertoires ». Le cours en ligne permet tout de même, dans une certaine mesure, la pratique de l’instrument et de « certains de ses aspects techniques ».
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Concernant le maintien des répétitions de musique orchestrale ou de musique de chambre, il est selon Emilie Delorme « absolument fondamental de pratiquer collectivement » car être musicien « est aussi travailler son oreille, travailler un son collectif ». Le concert donné par l’Orchestre du Conservatoire sous la direction de Jean-Claude Casadesus à la Philharmonie le 18 janvier dernier a été l’occasion pour ces jeunes de retrouver la joie de la pratique de l’orchestre, si essentielle selon Emilie Delorme.
Covid-19 : « Sur le plan psychologique, on remarque une grande détresse chez certains étudiants » affirme Emilie Delorme
La situation des étudiants du Conservatoire n’échappe pas, selon Emilie Delorme, à une réalité vécue et partagée par tous : « les difficultés qui existent à l’échelle du pays se retrouvent chez les étudiants du Conservatoire de Paris ». La directrice de l’institution assure essayer de « répondre à toute difficulté dans cette période de crise », et les difficultés en question ne manquent pas : « nous aidons financièrement un étudiant sur trois, alors qu’avant la crise sanitaire un sur dix avait besoin de cette aide », preuve, s’il en fallait-une, de l’augmentation drastique de la précarité chez les jeunes. « Au premier confinement, les étudiants ont perdu leurs emplois d’ouvreurs ou de professeurs particuliers » rappelle Emilie Delorme pour expliquer cette fragilité financière, mais les difficultés ne sont pas seulement économiques, la directrice affirme avoir pleinement conscience « d’une grande détresse psychologique chez certains ». Pour apporter du soutien aux étudiants, le conservatoire s’est associé « avec une association qui œuvre dans le soutien psychologique et à laquelle ils peuvent faire appel ».
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Cependant, la gestion de la crise sanitaire « ne doit pas phagocyter tout l’espace disponible et toute notre énergie ». Le futur des étudiants, notamment leur insertion professionnelle, doit être envisagée. Le Conservatoire de Paris a créé le Label Initiale permettant à des élèves d’enregistrer, ce qui est « une démarche essentielle qui fera partie de leur vie professionnelle ». Selon Emilie Delorme, le chemin pour graver un disque est une expérience complexe et nécessaire au développement de l’élève : « il doit concevoir un programme, choisir son instrument, faire des choix concernant le livret et la prise de son … ». La création de ce label est un exemple des mesures prises par le Conservatoire pour permettre aux étudiants de travailler à leur insertion professionnelle et « de se projeter sur le futur » malgré un présent bien mouvementé.
Rémi Monti