Maria Kolesnikova, la flûtiste et cheffe d’orchestre qui fut l’un des principales figures de l’opposition biélorusse lors des manifestations contre le régime d’Alexandre Loukachenko, a été condamnée à 11 ans de prison. Elle a été reconnue coupable de « complot visant à s’emparer du pouvoir », d’« appels à des actions portant atteinte à la sécurité nationale » et de « création d’une formation extrémiste ».
Maria Kolesnikova avait été arrêtée dans des conditions inexpliquées
Le 7 septembre 2020, Maria Kolesnikova (Kalesnikava en russe) avait été interpellée dans des conditions assez floues après avoir pris la tête du « Conseil de coordination » de l’opposition biélorusse et participé activement aux manifestations qui s’étaient multipliées dans tout le pays. Selon ses proches, poussée par les forces de sécurité à passer en Ukraine, elle aurait déchiré son passeport afin d’éviter cet exil forcé. Depuis, elle était détenue à Jodzina, près de la capitale biélorusse, et avait été été officiellement accusée d’atteinte à la sécurité nationale. Son arrestation et son maintien en détention avaient, à l’époque, été condamnés par de nombreux pays dont la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Union Européenne. Un groupe d’experts indépendants des droits de l’homme de l’ONU avait même appelé la Biélorussie à libérer Maria Kolesnikova.
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Ce lundi 6 septembre, à l’issue d’un procès qui s’est ouvert début août et s’est tenu à huis clos (les avocats de la défense avaient, par ailleurs, interdiction de s’exprimer sur le contenu du dossier), Maria Kolesnikova a été condamnée à 11 ans de prison, reconnue coupable de « complot visant à s’emparer du pouvoir », d' »appels à des actions portant atteinte à la sécurité nationale » et de « création d’une formation extrémiste » selon le Parquet général. Son coaccusé, l’avocat Maxime Znak, s’est vu infliger une peine de 10 ans d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité.
Maria Kolesnikova a étudié la flûte à Minsk et la musique baroque à Stuttgart
Née de parents ingénieurs à Minsk en 1982, Maria Kolesnikova se passionne très tôt pour la flûte qu’elle enseignera plus tard avant d’intégrer l’Académie d’État de musique de Biélorussie, dont elle sort diplômée comme flûtiste et chef d’orchestre. À 25 ans, elle s’inscrit à l’Université de l’art et des arts du spectacle de Stuttgart où elle étudie les instruments anciens et la musique baroque. Au cours de ce séjour d’une dizaine d’années dans le Bade-Wurtemberg, elle mène également des projets culturels entre l’Allemagne et la Biélorussie. En 2017, elle cofonde InterAkt, un collectif artistique qui organise le Festival Artemp, puis devient, en 2019, directrice de l’association culturelle OK16 à Minsk. Après la réélection du président Alexandre Loukachenko, Maria Kolesnikova avait été propulsée à la tête du mouvement de contestation aux côtés de Svetlana Tikhanovskaïa, candidate à la présidentielle à la place de son mari emprisonné, et Veronika Tsepkalo. Ces deux dernières ont, depuis, fui le pays, sous la pression des autorités.
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Quelques heures après l’annonce du jugement les réactions se sont multipliées. Washington a dénoncé une condamnation « honteuse », « injustifiable » pour le gouvernement allemand, tandis que l’UE s’est insurgée contre le « mépris flagrant » de Minsk pour les droits humains. Londres a réclamé la fin de la « répression » et l’ONG Amnesty International a souligné que « Le courage de Maria, qui a décidé de rester au Bélarus malgré la menace d’une lourde peine de prison, ne sera pas oublié ».
Philippe Gault (avec AFP)