LE PRÉSENT AU MIROIR DU PASSÉ

Si elle se réfère à Beethoven, à Leopardi ou à l’Égypte ancienne, la musique de Guillaume Connesson affirme une vigoureuse modernité et une science orchestrale unique.

Classica soutient ,depuis des années, l’œuvre de Guillaume Connesson. Elle s’inscrit dans le courant postmoderne, associant folklores, musiques actuelles et les grands classiques du XXe siècle. Le disque" Techno-parade " (RCA) nous révélait, en 2002, la personnalité d’un compositeur dont le répertoire s’équilibre aujourd’hui entre pièces instrumentales et vocales. Les premières ont profondément évolué, notamment depuis la fameuse Trilogie cosmique, regroupant Supernova, Une lueur dans l’âge sombre et Aleph. Un disque marquant et déjà dirigé par Stéphane Denève, alors à la tête de l’Orchestre national royal d’Écosse (Chandos, 2009). La nouvelle trilogie qui nous est proposée n’est plus cosmique, mais culturelle. En effet, Guillaume Connesson dédie chacune des trois pièces symphoniques de son nouveau disque à une culture spécifique. L’Allemagne est ainsi représentée par Flammenschrift (Lettre de feu). La musique surgit, incendiaire,enivrée de sa propre virtuosité et d’un désir de puissance. Bien des influences s’y combinent. Même si Guillaume Connesson évoque l’hommage à la figure centrale de Beethoven, on perçoit des présences diffuses : John Adams, Roussel, Stravinsky, Mahler,Strauss, voire John Williams ou Bernard Hermann. Cette musique d’une folle énergie, pulsée presque en permanence, ne se nourrit pas, contrairement à celle de Beethoven, de formules rythmiques, mais plutôt de mélodies et de danses entrelacées. L’Orchestre philharmonique de Bruxelles en restitue l’effervescence et la joie irrépressible. Il en maîtrise la vélocité infernale et la tension croissante. La deuxième pièce, E Chiaronella valle il fiume appare,évoque des vers du poète Giacomo Leopardi. Le lyrisme dépasse le clin d’œil à la scène italienne et son orchestration raffinée. Guillaume Connesson a réussi une musique narrative – on songe ici aux scintillements sonores d’un Respighi – et il se délecte des couleurs de l’orchestre postromantique. Il referme sont riptyque avec l’univers russe de Maslenitsa. L’auditeur n’aura jamais quitté la danse et la partition s’achève sur une sorte de chorégraphie russe,comme un écho au ballet Lucifer qui vit le jour en 2011.S’inspirant du Livre des morts de l’Égypte Antique – Pour sortir au jour-, les cinq épisodes du Concerto pour flûte se jouent enchaînés. On perçoit des images derrière la mobilité de l’œuvre. Les effets de spirales sonores, de masse et les jeux de timbres qui suggèrent le pastiche antique s’inspirent de l’écriture pointilliste française (de Ravel à Dutilleux). La finesse et la maîtrise sidérante de la flûte de Mathieu Dufour sont portées par un accompagnement rutilant. Stéphane Denève creuse les couleurs, sollicite l’orchestre dans une impulsion irrésistible, s’interdisant toute trivialité. Un musicien aussi habile dans Debussy, Ravel (sa récente intégrale avec l’orchestre de la SWR, SWR Music), Poulenc et Roussel ne pouvait que mener à bien un disque aussi passionnant