LA COULEUR TATIANA ZELIKMAN

Une grande leçon de musique par une pianiste russe, devenue professeur, qui inspira tant de ses pairs. Éloquent et exemplaire.

Peu de mélomanes connaissent le nom de Tatiana Zelikman mais la plupart des pianistes russes en activité l’admirent. Elena Rozanova, Daniil Trifonov, Alexei Volodin, Alexander Kobrin, Konstantin Lifschitz ont été ses élèves. À la suite d’un problème aux mains, elle mit sa carrière entre parenthèses pour ne se consacrer qu’à l’enseignement.
Le piano, admirablement réglé dans l’acoustique superbe de la Salle Colonne (sans oublier une prise de son d’une vérité remarquable), sert un choix de pièces brèves. Peu de vir tuosité au sens technique du terme mais une sorte de ballade continue, d’écoute de timbres et d’harmonies comme dans la Fantaisie en ut K.396 de Mozart. La manière de phraser, tout d’abord, de faire en sorte que la respiration paraisse naturelle alors que chaque note est portée jusqu’à la fin de son " souffle ". Les saisissantes Variations en fa mineur de Haydn ont alors une allure de tombeau.
Le piano moderne permet ce jeu sur la durée des harmoniques qui colorent chaque trait. Avec Schumann, L’Arabesque, L’Oiseau prophète,Rêverie, Der Dichter spricht vivent d’un legato admirablement contrôlé. Grâce à un toucher aussi onctueux, chaque note prend son importance. Plus encore, c’est la sensation de faire naître le désir (Arabesque), de jouer avec le silence (Der Dichter spricht) qui frappe l’auditeur. L’extrême délicatesse, la distinction précise, un soupçon de fantaisie… et chaque extrait de cycle révèle toute sa fragilité, sa vérité. On envie les pianistes cités plus haut d’avoir profité d’un tel maître.
Comme toujours, l’éditeur joint au CD un second disque appelé " Mobility ", bénéficiant d’un mixage plus compressé et destiné à une écoute en déplacement.