Dominique Meyer : « la Scala est aimée, jalousée, c’est un objet international dont les Milanais sont fiers »

Franz Johann Morgenbesser/Flickr

Arrivé à la tête de la Scala en pleine pandémie, Dominique Meyer a, au micro de Laure Mézan, développé des idées détonantes (vacciner en priorité les artistes pour la reprise du spectacle vivant) et détaillé les répercussions du Covid-19 sur la vie d’un Opéra de renommée internationale. Le théâtre milanais a, comme tout les acteurs de la culture, été contraint de se réinventer et redoubler d’inventivité pour transformer les restrictions sanitaires en prétexte à l’imagination et la créativité, afin de survivre dans ces temps difficiles.

Dominique Meyer : « La Scala est à la fois un opéra international et un théâtre de quartier »

Dominique Meyer rappelle l’importance capitale pour le spectacle vivant de continuer à donner des spectacles même sans public « il est nécessaire de continuer à être actif, on ne peut pas laisser un ballet sans rien faire pendant un an, on ne peut pas laisser un orchestre et un chœur sans travail ». Un de ses rôles de directeur d’Opéra est donc de réussir à monter suffisamment d’opéras, de ballets et de concerts pour « entretenir le moral des troupes » et conserver la cohésion et l’excellence des artistes qui font la Scala. Pour accélérer la reprise du spectacle vivant à l’arrêt depuis octobre en Italie, Dominique Meyer a d’ailleurs demandé la vaccination en priorité des artistes, « des personnes exposées à cause de leur activité » affirme-t-il. Sans vaccination, il est impossible selon lui « de mettre en place les conditions sanitaires minimales pour ces travailleurs », mais il n’a malheureusement, à ce jour, reçu « aucune réponse des autorités compétentes à ce sujet ».

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Pour financer ses productions et la venue de chanteurs et de chefs d’orchestre de renom malgré une réduction conséquente du budget, Dominique Meyer déclare avoir beaucoup travaillé avec les partenaires privés de l’institution milanaise. Peu de temps après avoir bouclé un budget 2021 à l’équilibre, il se félicite d’avoir obtenu « le plus gros montant de recettes privés en cette année 2021 ». Ces partenariats, couplés à un recours occasionnel au chômage partiel et un plan d’économie assez draconien permettent donc à la Scala de rester en capacité de produire des spectacles. L’Opéra peut également s’appuyer sur le soutien de toute une ville : « quand je suis arrivé on m’a expliqué que la Scala était la deuxième institution italienne derrière Ferrari (…) la Scala est aimée, jalousée, c’est un objet international dont les Milanais sont fiers (…) c’est à la fois un opéra international et un théâtre de quartier (…) vivre ce soutien au quotidien est très impressionnant »

 

Dominique Meyer : « On peut faire des spectacles merveilleux avec trois bouts de ficelles »

La Scala a de toute évidence été obligée, comme toutes les autres maisons d’Opéras, à réduire sa voilure et proposer une saison musicale diffusée à la télévision et en ligne. Dominique Meyer rappelle « l’importance de faire très attention aux dépenses » et pour ce faire, il a fallu notamment « réutiliser des productions déjà existantes, par exemple Salomé arrêté l’an dernier à une semaine de la fin des répétitions ». Autre solution : « monter des petites pièces, sans trop de protagonistes et de musiciens d’orchestres ».

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C’est donc dans cette logique qu’a été monté le dyptique autour de Kurt Weill comprenant les œuvres Die sieben Todsünden et Mahagonny Songspiel qui ne nécessitent que 35 et 20 musiciens. Monter un spectacle sans aucun moyen est sans aucun doute une nouveauté pour le prestigieux Opéra qu’est la Scala, défi relevé par Riccardo Chailly (qui dirigera pour la première fois du Kurt Weill) et Irina Brooke, metteuse en scène de ce doublé dédié au compositeur allemand. Se réinventer de la sorte a du bon selon Dominique Meyer : « On a l’habitude de se réfugier dans le gigantisme, ce que je déplore beaucoup. On veut construire trop gros et impressionner le bourgeois en dépensant beaucoup (…) mais on peut faire des spectacles merveilleux avec trois bouts de ficelles ».

Rémi Monti

 


 

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