S’il ne s’est jamais marié, Beethoven était en quête du grand amour et fantasmait la vie conjugale. Pourtant sa vie sentimentale se résume à de nombreuses passions éphémères, des amours douloureuses et parfois même mystérieuses. Ce n’est sans doute pas pour rien que le compositeur se situe à mi-chemin entre le classicisme et le mouvement romantique dont il est le précurseur !
Giulietta Guicciardi : Un amour au clair de lune
Toutes les déceptions amoureuses du compositeur ont largement contribué aux succès de ses plus grandes œuvres. Car pour Beethoven, un chagrin d’amour rime de facto avec souffle créateur. Ludwig ne cesse de s’éprendre de ses élèves à qui il enseigne le piano mais il essuie de nombreux refus. En 1800, Giulietta Guicciardi s’installe dans la capitale autrichienne et souhaite apprendre la musique auprès du grand maître du classicisme viennois. Si le maestro tombe instantanément amoureux de Giulietta, l’idylle ne sera partagée que furtivement. Giulietta offre tout de même un portrait d’elle à Beethoven, un bien précieux à ses yeux, qu’il conservera jusqu’à la fin de sa vie. A un ami, le musicien écrit : « ce changement dans ma vie a été provoqué par une fille douce et enchanteresse, qui m’aime et que j’aime. Après deux ans, j’apprécie de nouveau quelques moments de bonheur et c’est la première fois que je pense que le mariage pourrait me rendre heureux mais malheureusement elle n’est pas de ma classe sociale et je ne pourrai certainement pas l’épouser ».

Mais les sentiments de la jeune élève à l’égard de Beethoven se délitent peu à peu. En 1803, elle préfère épouser le comte Wenzel Robert von Gallenberg – un bien piètre compositeur en comparaison de Beethoven – mais issu d’un bien meilleur milieu social. Cette courte relation aura pourtant permis à Ludwig van Beethoven de composer sa Sonate pour piano n° 14 en do dièse mineur aussi connue sous le célèbre nom de Sonate Clair de lune. On retrouve d’ailleurs le nom de la dédicataire et inspiratrice de l’œuvre, sur la couverture de la première partition publiée en 1802 :

Ecoutez la Sonate pour piano n° 14 en do dièse mineur dédiée à Giulietta Guicciardi :
La Lettre à Thérèse : et si Elise avait changé de prénom ?
A la suite de cette relation, et n’ayant que peu de succès auprès de ses élèves, Beethoven demande à l’un de ses proches amis de lui présenter quelqu’un. C’est alors que Thérèse Malfatti, belle-sœur de cet ami, entre dans sa vie. Au moment où ses yeux se posent sur Thérèse, Beethoven tombe sous le charme. De 22 ans son aîné, il demande en 1810 la main de la jeune aristocrate. Mais Thérèse refuse ces avances, plongeant Ludwig dans un profond désarroi, il écrit : « je me sens précipité des régions de la plus haute extase, dans une chute profonde ».

La même année il compose sa Bagatelle n°25 en la mineur. Le vétuste manuscrit sera retrouvé 55 ans plus tard par le musicologue Ludwig Nohl. Si la mélodie est restée lisible sur la partition, l’écriture calligraphique elle, s’est en grande partie effacée. On peut encore y lire le mot « Pour », suivi d’une fin de prénom ou seules les deux dernières lettres « S » et « E » qui le compose, subsistent sur le parchemin. Nohl choisit d’intituler le chef-d’œuvre « Pour Elise » mais Beethoven ne connaissait aucune Elise. La Lettre à Elise serait en fait initialement : La Lettre à Thérèse, une œuvre emblématique empreinte du chagrin du compositeur éconduit.
Ecoutez la Bagatelle n°25 en la mineur, probablement composée pour Thérèse Malfatti :
Le mystère Josephine von Brunsvik : l’immortelle bien aimée de Beethoven ?
Toujours en quête d’un amour idéal, une nouvelle femme bouleverse Ludwig. Et il s’agit encore une fois, de son élève : Josephine von Brunsvik.

Une relation commence entre les deux amoureux et Josephine devient la muse du compositeur pour sa création de son unique opéra : Fidelio. L’œuvre lyrique est un hymne à la liberté et à l’amour conjugal que fantasme depuis toujours Beethoven. Le personnage de Léonore fait en fait écho à Josephine, l’idéal féminin du musicien.
Ecoutez l’ouverture de Fidelio dirigée par Leonard Bernstein, un opéra composé à l’effigie de Josephine von Brunsvik :
Mais la famille de la jeune fille ne voit pas cette relation d’un bon œil. La sentence des Von Brunsvik tombe : leur fille n’épousera jamais un roturier. Si elle peut continuer de suivre les leçons de piano auprès de Beethoven, Josephine sera contrainte, quelques mois plus tard, d’épouser le comte Joseph von Deym qui jouit d’une situation bien plus aisée que le compositeur. Deym décèdera en 1804 et Josephine épousera un nouvel homme souvent absent, qui habite à cette époque, en Estonie avec sa maîtresse. Mais elle continue de voir régulièrement Beethoven à l’issue de sa deuxième union, tandis que son époux ne lui rendra visite que deux fois. La dernière ayant lieu en octobre 1812. Malheureuse dans son mariage, Josephine accouche pourtant en avril 1813. La petite fille est nommée par un bien étrange prénom : « Minona » qui n’est autre que le palindrome de anonim. Le mystère reste entier quant à la naissance de la fillette. Mais peu de doutes subsistent quant à l’illégitimité paternelle du baron Christoph von Stackelberg car Minona n’était à priori pas une enfant prématurée. Certains affirment que Beethoven – qui présente de nombreuse similarité physique avec la fillette – est le père biologique de Minona. La quête d’un idéal conjugal absolu ne s’arrêtera pas là pour Beethoven. Il poussera le mystère de sa vie sentimentale à son paroxysme en 1812. Le compositeur écrit, peu avant la naissance de Minona, 3 lettres intitulées « Lettre à l’immortelle bien-aimée ». Mais à qui étaient destinées ces lettres ?

Le nom de cette femme reste encore aujourd’hui méconnu et ces déclarations d’amour épistolaires sont une véritable intrigue dans la vie de Beethoven. Et pourtant, nombreux sont les biographes à estimer que l’immortelle bien aimée de Ludwig ne serait autre que Josephine von Brunsvik.
Ondine Guillaume