AUX SOURCES DE L’ÉNERGIE BRUTE

Nouveau succès pour Stéphane Denève, parti explorer ces oeuvres inclassables d'Arthur Honegger.

Nouveau succès de Stéphane Denève qui domine sans conteste la discographie moderne de ces oeuvres françaises inclas -sables, négligées en grande partie par les orchestres hexagonaux. Leur modernité, apparemment, ne correspond plus à la nôtre.
Pourtant, ces oeuvres, marquées par le néoclassicisme et une forme de " motorisme " barbare, celui que le Prokofiev de la Suite Scythe et tant d’autres Slaves ont emprunté, traduisent d’une manière prodigieusement expressive les tensions et les ruptures de notre monde actuel. Une sorte de présage, qui ne cherche nulle beauté mais, nous confie le compositeur à propos de la Symphonie n° 3, " la réaction de l’Homme moderne contre la marée de barbarie, de stupidité, de souffrance, de machinisme, de bureaucratie qui nous assiège ".
Cette force brute est ici profondément narrative et d’une sincérité qui saisit d’emblée. Il existe pourtant des orchestres autrement plus rutilants dans Honegger, d’une puissance fauve (RSO de Bavière, Philharmonique de Berlin, Symphonique de Boston) qui ont, eux aussi, dominé l’ouragan sonore. Dans les pupitres aux timbres crus de Stuttgart résonne l’angoisse d’une humanité déchirée, comme dans les oeuvres contemporaines d’un Chostakovitch. Cette version évoque ainsi la lecture d’anthologie de Mravinsky avec l’Orchestre philharmonique de Leningrad (Melodiya, 1965). Tout comme dans ses Ravel et Poulenc, Stéphane Denève retourne aux sources de l’écriture du compositeur, comme s’il puisait l’énergie brute, sans chercher le lyrisme inaccessible d’un Karajan avec Berlin, dans les deux symphonies. Cette lecture primitiviste de Denève s’adresse peut-être davantage au non-mélomane, ce qu’ Honegger, musicien par ailleurs savant, aurait certainement apprécié.