Valéry Giscard d’Estaing a ce matin le monopole des Unes. Le Parisien-Aujourd’hui en France comme Nice Matin ou la Provence évoquent Un destin français. Le Figaro rend hommage à VGE l’Européen. La Voix du Nord et la Dépêche du Midi ont choisi cette formule : Au revoir, les derniers mot prononcés par Valéry Giscard d’Estaing en tant que président de la République.
Raphaëlle Bacqué, du Monde, évoque Giscard, président des Seventies
Pour le Télégramme, la disparition de VGE c’est la fin d’une époque. Mais quelle époque ? La réponse est peut-être dans Le Monde ce matin où la journaliste Raphaelle Bacqué évoque un Giscard, président des Seventies. Voilà qui parlera au moins à deux générations. La génération qui avait l’âge de Danièle Gilbert en 1974 et la génération de ses enfants qui regardaient Casimir. Ce que Raphaëlle Bacqué appelle « les dernières années d’insouciance ». La journaliste rappelle qu’un peu avant son élection Valéry Giscard d’Estaing porte un pull à col roulé et des pantalons de velours pattes d’eph. Il s’est aussi fait photographier au ski, à Courchevel en fuseau.
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Elle ajoute, bientôt, la France se pliera en quatre de rire devant Les Bronzés font du ski. Valéry Giscard d’Estaing et la France c’est un peu ça. L’histoire d’un président très parisien, très rive droite, très 16e arrondissement, qui entend être en phase avec deux Français sur trois. Un président qui parfois précède les Français par ses réformes mais qui parfois est largué à cause de ses manières monarchiques. Ce que le Parisien-Aujourd’hui en France appelle à juste titre une présidence moderne et monarchique à la fois. C’est le Giscard monarchique qui perdra le Giscard moderne. Moderne, il l’est pourtant si on poursuit la lecture du Monde.
Valéry Giscard d’Estaing a eu la bonne idée de faire appel à Raymond Depardon pour filmer sa campagne
Les années 70 sont les années des intellectuelles de gauche mais Valéry Giscard d’Estaing a l’intuition que la bourgeoisie a assimilé les avancées de mai 68. On retrouvera cette liberté de ton à la télé Giscadienne, avec Apostrophes dès 1975. Les jeunes gens de la bourgeoisie veulent à la fois la liberté des mœurs et des idées, mais il veulent aussi le confort matériel sans ressembler à leurs parents, alors ils entrent dans la pub. Ce sont ces mêmes publicitaires qui façonneront l’image du candidat victorieux de 1974 qui a la bonne idée de laisser sa campagne filmée au naturel par Raymond Depardon, nous rappelle La Nouvelle République à qui le photographe confiait encore il y a un mois « mon rêve était le cinéma, ca s’est fait avec Giscard ».
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Mais même si la France change sous Giscard qui lui fait son cinéma, le Monde et le Parisien rappellent qu’il est le produit de son milieu, la Paris, la rive droite, le 16e, Janson-de-sailly, l’Ena, polytechnique et un titre de noblesse achetée par sa famille en 1921. Peu importe, Valéry Giscard d’Estaing sera bobo avant l’heure, le temps de séduire les Français. Ces Bobos qu’on retrouve dans les films de Claude Sautet, rappelle Raphaëlle Bacqué, des films où les femmes s’émancipe sous les trait d’une Romy Schneider qui ne choisit pas entre Yves Montand et Sami Frey dans César et Rosalie. C’est l’époque où Giscard instaure le divorce par consentement mutuel et où il charge Simone Veil de porter la réforme autorisant le droit à l’avortement.
Le site Slate parle même de VGE, président du cool avant Obama
Avec une série de cartes postales de ces années là. Elles sont plus ou moins réussies. Giscard à la chasse avec une chapka ou Giscard présentant ses vœux très aristo devant une cheminée avec son épouse Anne-Aymone quasi muette devant la cheminée du château sont des coups de com’ raté. Mais Giscard jouant au foot avec de longues chaussettes rayées, Giscard athlétique en maillot de bain, Giscard invitant nounours au noël de l’Elysée devant des centaines de mômes hystériques, Giscard en manche de chemise dans l’hélico présidentiel, autant d’images d’un président détendu qui inaugure une nouvelle forme de communication.
Réécoutez l’intégralité de la Revue de presse de David Abiker
Giscard anticipe ainsi les journées du patrimoine quand le 14 juillet 1977 il accueille les Français pour une visite de l’Elysée qui fait un tabac. Mais il se plante quand il s’invite chez eux à déjeuner ou qu’il reçoit les éboueurs à l’Elysée, rappelle le Parisien-Aujourd’hui en France. Ce que Libération résume en évoquant la Grande incompréhension entre Giscard et les Français. Une incompréhension qui lui coutera son deuxième septennat. Pour Paul Quinio, le Giscard modernisateur aura été rattrapé par le Giscard conservateur. « Il aura tellement voulu être de son époque » écrit encore Raphaëlle Bacqué, « en posant en costume et non plus en queue de pie, en exigeant une Marseillaise moins guerrière ou en demandant une cuisine plus légère à l’Elysée. Etre en phase avec la société française, ca marche tant que les Français n’ont pas encore plongé dans le pessimisme et la crise économique » rappelle la journaliste. Ce sera plus dur après le second choc pétrolier en 1979 et l’apparition du chômage ou les premiers pas du Front National. Plus dur encore quand la droite se déchire, que Chirac joue sa propre carte et qu’il se murmure pour lui nuire, rappelle le Figaro, que le président chasse en Afrique lors de safari d’un autre âge. Dans cette France de la fin des années 70 rappelle le Monde, l’alternance politique devient une possibilité. Un an après la mort de Jean-Paul Sartre écrit le quotidien, Giscard est battu par un Mitterrand de 10 ans son aîné. Giscard ne se remettra jamais tout à fait d’avoir cessé de coller à la modernité. La France abandonne le président issu de la rive droite de Paris pour suivre un président qui habite la rive gauche. Impossible dès lors de rassembler deux Français sur trois.
David Abiker