Dans l’affaire des sous-marins australiens, le président américain Joe Biden doit s’entretenir rapidement avec Emmanuel Macron. Pour rappel, l’Australie a finalement renoncé au contrat avec la France pour la commande de 12 sous-marins, et s’est tournée vers les Etats-Unis. Dans cette crise, que joue le président français ?
Emmanuel Macron avait fait de la diplomatie une arme par laquelle il voulait monter aux Français son savoir-faire
Emmanuel Macron joue gros. Très gros. On a déjà beaucoup parlé de l’humiliation pour la France que représente la rupture par l’Australie de ce contrat de sous-marins. Mais cette humiliation risque de rejaillir sur l’image du chef de l’Etat. Bien sûr, il n’est formellement ou personnellement pour rien dans la conclusion de l’alliance entre les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Australie. Mais c’est cette impuissance qui est humiliante pour lui, parce qu’elle signifie qu’il n’aura pas réussi à faire de la France une puissance que l’on traite avec respect.
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Et c’est terrible car Emmanuel Macron avait fait de la diplomatie une arme par laquelle il voulait monter aux Français son savoir-faire, sa force de conviction et même, disons-le, son pouvoir de séduction. Souvenons-nous de son « Make the planet great again » après la sortie de l’accord de Paris par Donald Trump. Ça avait du panache, et ça avait été remarqué dans le monde entier. Eh bien là, on est dans la situation exactement inverse. Cette vexation peut-elle avoir des répercutions de politique nationale, à sept mois de la présidentielle ? On le sait, on ne gagne jamais une élection nationale sur des questions de politique étrangère. Mais un revers à l’étranger peut ternir votre image auprès de votre opinion nationale. Donc oui, Emmanuel Macron a besoin de sortir au plus vite de cette mauvaise passe.
Ursula van der Leyen a dénoncé l’attitude des Etats-Unis. L’attitude plus que la décision d’ailleurs !
Des armes de rétorsion, il y en a très peu. Tout au plus Macron peut-il obtenir de l’Europe de bloquer l’accord commercial en cours de discussion avec l’Australie. Mais à défaut de rétorsion, le chef de l’Etat peut obtenir des compensations sur d’autres contrats d’autres marchés. C’est l’enjeu du contact à venir avec Joe Biden. Maintenant qu’il a rappelé se ambassadeurs, le président français ne peut guère aller plus loin dans la riposte. Il n’a plus qu’à espérer qu’une volonté d’apaisement du président américain lui évite de perdre la face. Sur la scène politique française, certains ont réclamé une commission d’enquête parlementaire. Mais comme ce qu’on appelle le droit de tirage des groupes d’opposition a été épuisé, ça n’ira pas plus loin.
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Dans un climat de pré-campagne, être interpelé peut suffire à fragiliser Macron. Emmanuel Macron n’a-t-il pas au moins réussi à souder l’Europe autour de lui ? C’est vrai que la présidente de la Commission européenne Ursula van der Leyen, ou le ministre des Affaires Etrangères allemand ont dénoncé l’attitude des Etats-Unis. L’attitude plus que la décision d’ailleurs ! Mais ces réactions sont très tardives. La plupart des pays de l’Union restent avant tout attachés à la protection du bouclier américain et derrière les mots, ce n’est pas un conflit Europe-Etats-Unis, ça reste un coup de froid France-Etats-Unis. Macron l’Européen peine à entraîner l’Europe derrière lui.
Guillaume Tabard