L’historien Jean Garrigues était l’invité politique de Dimitri Pavlenko, ce mercredi 30 juin sur Radio Classique. A l’issue des élections régionales et départementales, marquées par une forte abstention, le président du Comité d’histoire parlementaire et politique constate non seulement une vampirisation de la vie politique par l’élection présidentielle, mais également un échec des partis sensés représenter le vote contestataire.
Jean Garrigues : « on ne retrouve plus dans l’offre politique les canaux d’expression du mécontentement »
Pour Jean Garrigues, cette prééminence de la présidentielle sur toutes les autres élections est incontestable : « elle existe depuis 1962, mais l’évolution s’est accélérée avec la réforme du quinquennat en 2000, qui a renforcé la présidentialisation de la vie politique ». Les élections dites « intermédiaires », les régionales, les départementales et législatives sont ainsi boudées par les électeurs, mais, note l’historien, ce « mouvement vers l’abstention commence depuis 2017 à polluer et gangréner l’élection présidentielle elle-même ». Autre enseignement apporté par les régionales, l’échec des partis « dont on estime qu’ils auraient pu représenter un vote de contestation » : le Rassemblement National et la France Insoumise.
A lire aussi
Pour Jean Garrigues, cela confirme le phénomène perçu lors de la crise des Gilets jaunes : « on ne retrouve plus dans l’offre politique les canaux d’expression du mécontentement », un rôle d’exutoire joué dans les années 60 par le Parti Communiste, auquel le Front National s’est substitué dans les années 80. « Les discours ne percutent plus, en raison du travail de dédiabolisation mené par Marine Le Pen d’un côté, et avec, de l’autre, les errances de Jean-Luc Mélenchon ». Conséquence, selon l’historien, c’est dans la rue que se situe désormais la contestation.
Jean Garrigues sur Emmanuel Macron : « Sa cote de popularité est supérieure à celle de ses prédécesseurs, mais il incarne la quintessence de ce qui est rejeté par les couches populaires »
De l’autre côté de l’échiquier politique, Xavier Bertrand tente de se positionner comme une troisième voie face au duel annoncé pour 2022 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Mais « a-t-il un espace politique ? » interroge Dimitri Pavlenko. C’est un « oui mais » qu’a répondu Jean Garrigues, soulignant qu’il ne peut pas s’appuyer sur un parti : « Les Républicains, comme les autres partis, est en miettes, divisé, avec peu de militants, car la forme partisane est questionnée ».
A lire aussi
Toutefois, l’historien note qu’une frange de l’électorat populaire, et une partie de l’électorat de droite pourraient être sensibles au discours de Xavier Bertrand. L’espace politique existe pour le président des Hauts-de-France, souligne le président du Comité d’histoire parlementaire et politique, mais cela dépendra du bilan que feront les Français du quinquennat d’Emmanuel Macron. « Sa cote de popularité est supérieure à celle de ses prédécesseurs, mais il incarne la quintessence de ce qui est rejeté par les couches populaires, cela se traduit par la forte abstention », analyse Jean Garrigues, pour qui Emmanuel Macron doit se poser en « rassembleur », soulignant que ressortir la réforme des retraites, comme semble vouloir le faire le président, « c’est tout le contraire ».
Béatrice Mouedine