Projet de loi sanitaire : Le Sénat, la source des compromis recherchés par le gouvernement ?

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Le Sénat a corrigé le projet de loi sanitaire donnant la possibilité de recourir à un contrôle aux frontières, alors même que les députés de l’Assemblée l’avaient rejeté il y a 2 semaines. Ce texte ainsi réécrit par les sénateurs pourrait être un moyen pour le Sénat de montrer au gouvernement que la haute chambre du Parlement n’est pas là pour satisfaire pleinement la majorité mais bien pour trouver des compromis essentiels au contexte politique actuel.

Le Sénat a fait savoir qu’il n’était pas là pour rendre service au gouvernement

Pendant que l’Assemblée poursuit l’examen du texte pouvoir d’achat, le Sénat doit voter à son tour le projet de loi sanitaire qui avait été passablement retouché par les députés. On se demande alors comment vont réagir les sénateurs face à ce texte. En effet, souvenez-vous il y a 15 jours, le gouvernement avait expérimenté pour la première fois ce que c’était de ne pas avoir de majorité absolue à l’Assemblée. L’article 2 permettant un passe sanitaire aux frontières avait été rejeté par la conjonction des voix de la gauche, du RN et d’une partie de LR. Elisabeth Borne et Emmanuel Macron en avaient alors appelé au « sens des responsabilités » pour corriger cette fronde des députés. Pourtant, comme il fallait s’y attendre, le Sénat a trouvé une troisième voie. Il n’a pas rétabli l’article rejeté, comme l’espérait l’exécutif mais il n’a pas non plus donné raison aux députés. La chambre haute du Parlement a donc préféré corriger ce fameux article 2 en proposant sa propre rédaction. C’est une manière de dire aux uns et aux autres qu’ils ne peuvent pas faire ni contre ni sans le Sénat.

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Ainsi, face à ce projet de loi sanitaire, on ne peut pas savoir réellement si l’ambiance est à la conciliation ou à la confrontation avec la chambre des sénateurs. En effet, on ne sait pas encore de quel côté va tomber la pièce. Car en faisant appel à la responsabilité et à la sagesse des sénateurs, Elisabeth Borne et Emmanuel Macron ont voulu avoir des mots aimables pour la Haute Assemblée. Mais ces mots, les sénateurs et les sénateurs LR les ont plutôt mal pris car ils ressemblaient à une injonction de l’exécutif. En substance, les responsables de la majorité sénatoriale leur ont indiqué qu’ils étaient responsables par nature et non pas sur commande. Le Sénat a également fait savoir qu’il n’était pas là pour rendre service au gouvernement en lui rendant ce que les députés ont supprimé, mais pour trouver en conscience la meilleure rédaction possible. En un mot, les sénateurs veulent être les agents d’amélioration du pouvoir législatif, pas l’instance d’appel du pouvoir exécutif. Autant dire que pour bien travailler avec le Sénat, il faudra faire preuve de psychologie.

 

Afin de trouver les compromis nécessaires à ses réformes le gouvernement doit davantage se tourner vers le Sénat

Dans ce contexte politique inédit, on pourrait alors envisager que le Sénat soit davantage une chance qu’un problème de plus pour le gouvernement. En effet, prenons un peu de recul historique. Même en cas de majorité homogène avec l’Assemblée, le Sénat a toujours été une force d’équilibre, plus soucieuse de précision juridique que d’affichage politique. En cas de majorité différente ( ce fut le cas sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron) le Sénat s’est voulu tout autant constructif mais a acquis un statut de contrepouvoir. Cela obligeait déjà à trouver des compromis. Ainsi, ce fut le cas puisque les 2 tiers des commissions mixtes paritaires se sont conclues sur un accord souvent basé sur une version corrigée par le Sénat. On peut alors dire que cette manière de travailler anticipait l’obligation désormais de trouver en permanence des compromis. Depuis les législatives, on scrute pourtant les équilibres internes à l’Assemblée nationale pour voir comment l’exécutif va pouvoir trouver des majorités. La vraie réponse est en vérité plutôt à rechercher du côté du Sénat. Si les majorités à construire passent d’abord par le groupe LR, il se pourrait que l’homme clé de la législature ne soit finalement pas Olivier Marleix, le patron des députés, mais plutôt Bruno Retailleu, celui des sénateurs.

Guillaume Tabard

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