Présidentielle : Une abstention à 30% n’est « pas exclue » selon Jérôme Fourquet

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Jérôme Fourquet, analyste politique, directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » à l’institut de sondage Ifop, était l’invité de Radio Classique ce lundi 28 mars. Au micro de Renaud Blanc, il a jugé que l’hypothèse d’une abstention à 30% était crédible, à moins de 15 jours de l’élection présidentielle.

Jérôme Fourquet : « une catastrophe pour les Républicains » si Valérie Pécresse obtenait moins de 10% des voix

A moins de deux semaines du premier tour de la présidentielle, le politologue Jérôme Fourquet a fait un tour d’horizon des campagnes des différents candidats, à commencer par Eric Zemmour, qui tenait ce dimanche un meeting au Trocadéro. Si le rendez-vous a été jugé réussi par une partie de la presse, Jérôme Fourquet note qu’il n’a pas réussi à fédérer la droite. « Aujourd’hui, il capterait environ 15% de l’électorat qui avaient voté pour François Fillon », pointe le politologue, « alors qu’il était monté jusqu’à 25% ». Ainsi, un phénomène de vote utile s’est affirmé depuis le déclenchement de la crise ukrainienne. Avant l’invasion russe, Eric Zemmour était aux alentours de 15 à 16% dans les sondages, avant de baisser à 9 ou 10% aujourd’hui. Choisir le Trocadéro pour son meeting, comme Nicolas Sarkozy en 2012, n’est bien sûr pas anodin : « c’est devenu un marqueur de fin de campagne », note Jérôme Fourquet, qui souligne qu’il existe même une expression, « la droite Trocadéro » pour désigner ceux qui se sont mobilisés derrière François Fillon à l’issue d’une campagne difficile pour le candidat, empoisonnée par l’affaire des emplois fictifs de sa femme. C’est à cet électorat qu’Eric Zemmour a voulu parler en priorité, selon le politologue. Au sujet des autres candidats situés à droite de l’échiquier politique, il évoque une possible « catastrophe pour les Républicains » si leur candidate, Valérie Pécresse, obtenait moins de 10% des voix à l’élection présidentielle. Il compare même la situation de LR à celle du PS il y a 5 ans : « un grand risque d’éclatement de ce parti », avec la frange modérée qui rentrerait dans le giron de la majorité macronienne, et une branche plus radicale qui pourrait participer à un phénomène de recomposition de l’espace de la droite nationale.

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De son côté, Marine Le Pen fait campagne davantage sur le pouvoir d’achat que sur l’immigration. Elle a constaté d’une part que le pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français, et d’autre part que l’électorat qui lui est resté fidèle face à Zemmour est le plus populaire (ouvriers, employés, chômeurs). « Elle fait la campagne qui lui plaît, elle n’est pas dans la concession », pointe Jérôme Fourquet, qui ajoute que « de ce point de vue, Eric Zemmour lui a rendu service, il l’a libérée d’un certain nombre de pesanteurs historiques ». Pendant ce temps à gauche, Anne Hidalgo, la candidate du Parti socialiste frôle les 2 à 3% d’intentions de vote, une tendance qui ne surprend pas Jérôme Fourquet. Il souligne également que les écologistes ont pris l’ascendant sur le parti socialiste, même s’ils font des scores assez bas, autour de 5 à 6% d’intentions de vote. Jean-Luc Mélenchon quant à lui pourrait gagner quelques points, selon le politologue, alors qu’il est autour de 14% aujourd’hui.

 

La crise du Covid et la guerre en Ukraine percutent cette campagne présidentielle

Mais le phénomène le plus inquiétant de cette campagne est l’absence d’appétence dans l’opinion publique pour une élection qui va se jouer dans moins de deux semaines. La presse écrite parle d’une « étrange campagne, une campagne sans désir », remarque Renaud Blanc, expliquant qu’un tiers des Français ne s’y intéressent pas encore. « On voit que les émissions télévisées consacrées à cette élection, hormis les grandes affiches type Zemmour/Mélenchon ne font plus recette », assure Jérôme Fourquet, qui indique que dans les sondages le niveau d’intérêt est assez faible. Parmi les explications possibles, les crises qui ont percuté cette campagne : le Covid et la guerre en Ukraine, mais aussi « un phénomène de désillusion ».

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Le politologue explique que les Français ont essayé depuis 30 ans « l’alternance, la gauche, la droite en 2017, la gauche et la droite et ils considèrent que leur situation personnelle ne s’est pas forcément améliorée ». Il note aussi un brouillage des repères, et des citoyens qui ne se reconnaissent ni dans la droite, ni dans la gauche, évoquant même « un marasme démocratique ». Le politologue rappelle que lors des derniers scrutins intermédiaires (municipales et régionales), plus de 60% de la population s’est abstenue : « on peut penser que lors d’une présidentielle, élection-reine, on sera loin de ce niveau d’abstention, mais il restera quelque chose de cette défiance et de ce désintérêt ». Jérôme Fourquet n’exclut donc pas les 30% d’abstention : « nos indicateurs d’aujourd’hui nous situent dans cette jauge-là, ce qui est énorme ».

Béatrice Mouedine

 

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