Le politologue Pascal Perrineau, professeur émérite des universités à Sciences-Po Paris, était l’invité de Renaud Blanc dans la matinale de Radio Classique. Après le premier tour de la présidentielle, il juge difficile la tâche d’Emmanuel Macron de conquérir des voix à gauche, là où se situent les réserves de voix pour le second tour.
« Emmanuel Macron est un homme qui a un bilan diversement apprécié » analyse Pascal Perrineau
Comme nombre de ses confrères, Pascal Perrineau constate qu’on assiste à la fin d’un système bipolaire, articulé autour d’un grand parti de gauche et d’un grand parti de droite. Le phénomène a commencé, explique-t-il, en 2017, avec l’implosion de la gauche, et se poursuit aujourd’hui avec l’implosion de la droite. Le paysage politique français se compose désormais d’un centre et de deux extrêmes, représentés par la candidate RN Marine Le Pen, et Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France Insoumise. Pascal Perrineau précise que « la demande de radicalité dans l’opinion publique et dans l’électorat est loin d’être négligeable. Les Français sont en colère et inquiets ». Il pointe le risque de « lendemains difficiles », quel que soit le prochain président de la République.
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Pascal Perrineau réfute l’idée que le match Macron/Le Pen de 2017 se rejoue cette année. « Emmanuel Macron est un homme qui a un bilan diversement apprécié, qui a suscité beaucoup de mobilisations sociales et d’interrogations », analyse le politologue. Il note que les sondages montrent que les Français ont l’image d’un président « distant et relativement arrogant ». Il constate que Marine Le Pen fait des scores très élevés chez les ouvriers et employés, ajoutant qu’« elle est enracinée profondément dans les couches populaires, et dans la France périphérique, alors qu’Emmanuel Macron séduit davantage la France des grandes métropoles urbaines, ouvertes sur l’Europe ».
Une alliance avec Nicolas Sarkozy pourrait lui nuire
Le président sortant fait face à un obstacle de taille, celui des réserves électorales. « Il a déjà asséché les voix de droite au premier tour », analyse Pascal Perrineau, or, pointe-t-il, « les réserves sont objectivement à gauche ». Emmanuel Macron va devoir surmonter l’anti macronisme des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo. Autre obstacle cité par le politologue, « si l’alliance avec Nicolas Sarkozy est trop visible, il faudra peut-être qu’il surmonte aussi l’alliance avec l’ancien président, car l’anti sarkozysme est une réalité dans ces milieux populaires ». Parmi les questions centrales de cette campagne, il y a celle des retraites, sur laquelle Emmanuel Macron a commencé à reculé, évoquant un possible référendum sur l’âge de départ. Une position à laquelle le président candidat doit faire attention, selon Pascal Perrineau : « à faire le grand écart, on se déchire, et il peut y avoir là des déchirements politiques. C’est vrai qu’en quelques jours, on a l’impression chez Emmanuel Macron qu’il ne pratique plus l’art de la synthèse mais plutôt l’art de la girouette ». Or, « son électorat espère qu’il fera des réformes », conclut le professeur.
Béatrice Mouedine