Dominique Reynié, politologue et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique était l’invité de la matinale spéciale sur Radio Classique, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Il a livré son analyse ce qui selon lui a changé sur l’échiquier politique.
Jean-Luc Mélenchon, à 22%, a fait sa dernière campagne présidentielle
Dominique Reynié, lorsque vous découvrez à 20h le résultat de ce premier tour de cette présidentielle, quel est le score que vous avez immédiatement enregistré ?
J’ai d’abord été frappé par la bonne performance d’Emmanuel Macron, 27,6% (il avait obtenu 24% en 2017 NDR). C’est donc une progression pour un président sortant. Mais j’ai noté plusieurs points préoccupants qui attestent d’un effondrement de notre système politique. D’abord, il y a la disparition de la gauche du gouvernement, remplacée par une gauche populiste ultra-dominante, celle de Jean-Luc Mélenchon. On note aussi la disparition de la droite de gouvernement, avec l’échec de LR et de Valérie Pécresse, remplacée par une extrême droite qui atteint le tiers des électeurs. C’est sans précédent dans l’histoire électorale de notre République. S’agissant de l’abstention, avec 26%, c’est le second record depuis 1965. Il faut bien voir que 2/3 des électeurs inscrits ne se reconnaissent pas dans des partis de gouvernement, voire ne se reconnaissent pas dans la participation électorale.
Vient-on d’assister au début d’un nouveau paysage politique et la fin de ce qui a été l’histoire de la Ve République ?
C’est une question importante. Nous avons des acteurs qui sont sur le départ ou possiblement sur le départ : Jean-Luc Mélenchon d’un côté, peut-être Marine Le Pen de l’autre. On sait qu’Emmanuel Macron, s’il est réélu, ne fera pas un 3e mandat, puisque la Constitution ne le permet pas. C’est autour d’îlots de gouvernement, entourés d’une sorte d’océan de protestation, que s’ouvre le quinquennat qui vient. C’est très impressionnant, ça ne s’est jamais présenté.
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Le Parti socialiste affiche moins de 2% des voix, on s’y attendait avec les derniers sondages. Mais Valérie Pécresse, la candidate LR, avec 4,8%, fait 4 fois moins que François Fillon. C’est un séisme pour la droite.
C’est une sorte de symétrie de ce qui est arrivé au parti socialiste 5 ans plus tard. Ces deux partis qu’on dit de gouvernement ont encore des élus locaux, ce qui n’est pas le cas de La France insoumise, le Rassemblement national ou la République en marche. Il y a une espèce de dissociation entre le national et le local.
Dominique Reynié, ce second tour, c’est un « tout sauf Le Pen » face à un « tout sauf Macron » qui se joue ?
Il est difficile d’imaginer un second tour plus clivant. Une grande bataille va se livrer autour de la mobilisation des abstentionnistes du premier tour.
Quel est le point faible d’Emmanuel Macron, et le point faible de Marine Le Pen ?
Emmanuel Macron va devoir donner un sens à cet agrégat de soutiens dont il bénéficie depuis hier et qui peut l’amener à être au fond le porte-parole ou le symbole du système. Il est quand même le président sortant dans une France qui est pour moitié dans une sorte d’insurrection constante. Le point faible de Marine Le Pen reste malgré tout sa capacité à rassurer sur un point clé, même si elle a évolué, qui est la question de l’euro.
Le débat d’entre-deux tours du 20 avril va être très intéressant.
Oui, et ce n’est pas la même chose qu’en 2017, parce que Marine Le Pen, qui a fait plutôt une bonne campagne, va se saisir de toute une série de revers subis par celui qui gouverne, Emmanuel Macron, et tenter de le mettre en difficulté.