Présidentielle : « C’est une campagne sans opposition », tacle Raphaël Enthoven

Le philosophe Raphaël Enthoven, auteur d’un livre d’entretiens avec le candidat communiste à la présidentielle : « Qui connaît Fabien Roussel ? » aux éditions de l’Observatoire, était l’invité de Renaud Blanc dans la matinale de Radio Classique. Il a déploré le manque d’opposition sérieuse en France, traitant même les opposants « d’ânes ».

« Peut-être y a-t-il un vote caché pour Fabien Roussel ? »

C’est un jugement sans appel fait par Raphaël Enthoven : « Jadot fait une mauvaise campagne ». Le candidat écologiste, autour de 5% dans les sondages, affiche des positions incohérentes, selon le philosophe : « il pense comme Anne Hidalgo sans s’allier avec Anne Hidalgo et feint de penser comme Sandrine Rousseau sans penser comme Sandrine Rousseau ». Pour Raphaël Enthoven, la candidature de Yannick Jadot « n’ira nulle part ». Il pointe des problèmes de fond, soulignant que l’écologie n’est pas forcément de gauche. « Il n’y a que les écolos de gauche qui pensent cela », explique l’écrivain et philosophe, ajoutant que cela vient « du fait documenté que l’économie de marché et l’industrialisation à tout va était mauvaise pour la nature ». Mais aujourd’hui, il évoque « des considérations plus intéressantes sur le fait que chaque époque n’est pas le fait d’une prédation de l’homme sur la nature ».

A lire aussi

 

Venu parler de son livre d’entretiens avec Fabien Roussel, le candidat communiste à la présidentielle, l’invité de Renaud Blanc a détaillé la genèse de cette rencontre étonnante entre un libéral et un communiste. « L’idée de ce livre m’est venue de la sympathie que suscitait chez moi Fabien Roussel, alors que j’ai toujours été élevé dans un anticommunisme primaire » explique Raphaël Enthoven. L’autre constat du philosophe est que Fabien Roussel peine à convertir la sympathie générale qu’il inspire en suffrages. « Peut-être y a-t-il un vote caché pour Fabien Roussel ? » lance-t-il. Mais il a surtout voulu savoir comment le candidat communiste pouvait être à la fois républicain et révolutionnaire : « républicain, donc tolérer des opinions qui ne sont pas les siennes et révolutionnaire, c’est-à-dire penser qu’on détient la vérité ».

 

Manque d’opposition en France : « une tragédie » selon Raphaël Enthoven

Alors que la candidature de Fabien Roussel a suscité l’intérêt des Français et des médias, la campagne dans son ensemble « ne prend pas », note Renaud Blanc, qui interroge Raphaël Enthoven : « qu’est-ce qui peut expliquer ce désintérêt ? ». Pour l’écrivain, « c’est une campagne sans opposition » : « on sait, quand on vote pour Macron, pour qui on vote, mais quand on vote contre Macron, on ne sait pas pourquoi on vote ». Il pointe non seulement un problème collectif, mais une tragédie car à chaque élection, selon lui, il y a une alternative entre la continuité ennuyeuse d’un côté, et de l’autre, le chaos ou l’incompétence. Raphaël Enthoven va même plus loin en déclarant que « les opposants sont des ânes », plaidant pour qu’il y ait, en démocratie, les conditions de l’alternance et d’une dialectique de propositions concurrentes. « Nous n’avons pas d’opposition sérieuse dans ce pays, c’est un problème démocratique », conclut-il.

Béatrice Mouedine

 

Retrouvez l’invité de la matinale