Législatives : « Mélenchon n’a pas bénéficié du raz-de-marée qu’il décrit », assure François Miquet-Marty

Christophe Ena/AP/SIPA

François Miquet-Marty, président de l’institut de sondage ViaVoice, était l’invité de Renaud Blanc ce lundi 13 juin dans la matinale de Radio Classique, au lendemain du premier tour des législatives. Alors que le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon se présente comme le grand gagnant, l’analyste politique rappelle que les élections ne sont pas finies.

Des citoyens se disent qu’il faut équilibrer les choses plutôt que donner de vastes pouvoirs au président

Quel que soit le résultat dimanche prochain, on a le sentiment que cette Assemblée est déjà fragilisée ?

C’est le cas. Elle s’annonce très composite. Selon les projections en sièges, le parti présidentiel risque de ne pas avoir la majorité absolue, il lui faudra compter avec les autres partenaires, Modem, Horizons, voire un peu plus si le score est plus faible encore.

L’abstention est de 52,49 %, c’est-à-dire qu’1 Français sur 10 inscrit sur les listes électorales a voté pour la Nupes, et 1 Français sur 10 inscrit sur les listes électorales a voté pour la majorité présidentielle. Pour vous, il y a une vraie crise démocratique ?

Il y a eu des facteurs accélérateurs et de diversification de l’abstention, notamment des électeurs modérés qui n’ont pas su se positionner, des militants de gauche, de droite, d’extrême gauche ou d’extrême droite, qui eux-mêmes n’ont pas su se positionner. Certains jeunes estiment que l’offre n’est pas satisfaisante. La progression de l’abstention risque de nourrir et d’amplifier les incompréhensions entre la représentation nationale et une partie des citoyens. J’y vois l’effet de la digitalisation, une démocratie sans ancrage et sans campagne électorale me semble beaucoup plus fragile que elle ne peut l’être autrement.

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François Miquet-Marty, la France est un pays que l’on dit à droite, mais c’est la Nupes qui progresse. On dit que les Français adorent la politique, mais ils s’abstiennent. Le président a été réélu hors période de cohabitation, ce qui est un exploit en soit, mais il pourrait ne pas obtenir la majorité absolue. On est dans une France des paradoxes ?

Oui, alors, il faut nuancer la progression de l’alliance Nupes. En réalité, elle n’est pas si flagrante que cela. Beaucoup parlent d’une dynamique formidable des forces de gauche, mais en termes de voix tout au moins il y a plutôt une stabilisation. Ce qui est plus surprenant, c’est la fin du phénomène majoritaire, c’est-à-dire la fin de l’idée selon laquelle les élections législatives étaient la duplication de l’élection présidentielle. Une partie des citoyens se disent qu’il faut équilibrer les choses plutôt que donner de vastes pouvoirs à un président de la République et à sa majorité.

 

 

Jean-Luc Mélenchon emploie un vocabulaire très guerrier : « on va déferler », il faut « défaire »

Mais que paie la majorité ? On pense à Jean-Michel Blanquer, ex-ministre de l’Education nationale, éliminé dès le premier tour…

Il y a un phénomène qui me semble très frappant et en même temps inquiétant, à savoir que certains, même s’ils ne jouent pas contre la démocratie, jouent avec la démocratie. C’est vrai pour Jean-Luc Mélenchon, pour Emmanuel Macron et pour d’autres. Lorsque Jean-Luc Mélenchon dit en 2018 que la haine des médias et de ceux qui les animent est « juste et saine », il prend appui sur une critique des médias, présente dans une partie de l’opinion publique, pour en faire son miel électoral. C’est aussi le cas d’Emmanuel Macron qui considère qu’il est peut-être préférable de ne pas mener une campagne électorale trop vigoureuse, ni à la présidentielle ni aux législatives, parce qu’il est en situation relativement prééminente. D’une certaine manière, on prend appui sur les faiblesses de la démocratie pour tenter sa chance de façon un peu stratégique et ça me paraît extrêmement dangereux.

Certains sont frappés par le ton employé par Jean-Luc Mélenchon avec un vocabulaire très guerrier : « on va déferler », « il faut défaire ». Qu’en pensez-vous ?

C’est le registre de l’enthousiasme et de la ferveur politique. C’est aussi peut-être pour Jean-Luc Mélenchon une manière de faire un récit politique qui englobe une vision. Il se présente comme le grand victorieux des législatives. Mais ces élections pour l’instant ne sont pas terminées. En termes de pourcentages de voix, ça n’est pas le raz-de-marée qu’il décrit, même s’il peut progresser en nombre de députés.

Retrouvez l’invité de la matinale