La Revue de Presse du jour – 10/07/2018

La revue de presse avec l’aveu d’abord d’un de nos défauts : une certaine arrogance !…

Nous voulons bien l’admettre (nous, les Français) puisque c’est ainsi que les Belges nous voient : arrogants… Le mot revient dans tous les commentaires, toutes les analyses sur l’enjeu sportif (mais pas seulement) de cette demi-finale entre la France et la Belgique…
Je parle bien de foot, pas du discours d’Emmanuel Macron au Congrès hier… au cours duquel (résument Les Echos et Var Matin) le Chef de l’Etat a adouci la forme et le ton sans modifier le cap. Il s’est montré plus humble, plus empathique grâce à quelques inflexions sémantiques mais est resté tout autant jupitérien…
Retour à cette accusation d’arrogance visant tous les Français… Nous voici donc amenés à confesser ce défaut… Le corriger ? C’est une autre histoire, mais un score ne suffira pas à renverser les rapports complexes d’amour-haine avec les Français qu’entretiennent les Belges, surtout du côté francophone, comme l’explique dans Le Monde un professeur à l’Université libre de Bruxelles…

Face aux critiques venues de Belgique, faut-il renoncer à notre envie de victoire des Bleus ?

La question est incongrue, ou parfaitement stupide… Arrogants, condescendants, animés d’un sentiment de supériorité, d’accord, mais ce n’est pas une raison pour renoncer à notre rêve… Sauf pour Libération !
Ils aiment se faire du mal (et la repentance) à Libé, qui trouve que ce serait justice, au fond, que le Mondial offre à la Belgique une revanche symbolique sur notre condescendance…
Soutenir les Bleus ? Vous n’y pensez pas, ce serait pur « chauvinisme » pour Laurent Joffrin qui rêve de voir s’enrayer une machine trop bien programmée (les Bleus, qualifiés de favoris trop sûrs d’eux…)
C’est un peu tordu, mais Libé vise peut être de bonnes ventes en Belgique aujourd’hui, où la presse n’a pas besoin de renforts : La Libre Belgique comme Le Soir sont derrière leurs Diables rouges pour lesquels plaide une statistique dénichée par Le Soir : depuis 1990, l’équipe qui a sorti le Brésil du tournoi a automatiquement atteint la finale…

Oui, mais côté français, on a aussi des statistiques…

« Six tirs cadrés, six buts, c’est le ratio des Bleus depuis le début de la phase à élimination ». Entrefilet dans L’Equipe qui titre Bleu comme l’espoir et… « Une foi » (F.O.I.)
La Provence y croit tellement que son édito de Une est titré (attention, l’arrogance…): Pourquoi la France va gagner le Mondial…
Parce que nous avons Deschamps, Grizou qui va se révéler enfin, et une équipe qui pèse 1 milliard 80 millions d’euros ! Valeur cumulée des 23 Bleus… « Selon la loi du marché, ça ne peut que payer », selon La Provence…
L’arrogance de l’argent en plus… Un confrère de La Voix du Nord (20 pages ce matin sur le choc France-Belgique) mesure assez bien le tremblement de terre que constituerait une victoire des Diables rouges : « J’aime nos voisins, mais pas au point de me faire chambrer pendant 20 ans »…
La Voix du Nord publie un petit lexique du football belge : il a tiré sur le piquet (sur le poteau), la latte (la barre transversale) jouer comme des klettes (comme des pieds), un autogoal (un but contre son camp), le grand rectangle (la surface de réparation)…

Nonante minutes : 90 minutes…

90 minutes de dramaturgie et de montée du suspense…
90 minutes durant lesquels on peut passer « du bonheur à la tristesse, du rire aux larmes » « Un match est une tragédie au sens où Aristote l’entend », explique l’anthropologue Cristian Bromberger dans L’Humanité, journal qui entre dans la fête…
« Le foot réveille les passions », titre le journal communiste…
« Regarder un match, c’est éprouver des émotions »… Le foot offre des facettes multiples d’identification : le foot-samba populaire au Brésil, le jeu technique et créatif « à la française » de Platini à Zidane…
L’Huma fait appel à des anthropologues, des sociologues, le délégué national à la culture du PCF pour dire les vertus du foot, vecteur de fierté et de patriotisme…

Même pas une notre critique…

Même pas !
Et pourtant, dans son enquête sur les intellectuels chez qui le foot est passé de passion vaguement honteuse à objet d’étude fréquentable, Le Monde cite le sociologue Jean-Marie Brohm qui depuis les années 70 développe dans ses ouvrages une critique radicale et systématique du sport, à travers une grille de lecture marxiste.
Aujourd’hui encore, il continue à voir dans le foot « une peste émotionnelle » (dit autrement, un spectacle abêtissant, un lieu d’aliénation)
Les intellos ont donc changé, et je suis prêt à prendre un pari (sportif) : ceux qui affichent toujours leur mépris seront ce soir à 20 heures devant leur télé…

Michel Grossiord